Il était un homme, il était un dieu. Son père était roi et il avait une titanide pour mère. Il était un jeune homme intrépide, intelligent et maligne, vénéré des commerçants, des voyageurs et des voleurs. On lui attribué la chance, l’écriture et la danse mais surtout, il était le dieu messager. Il était l’intermédiaire entre les dieux et les hommes, le messager de Zeus, son père et l’escorteur les âmes trépassées.

Ainsi, chaque mort le rencontre avant toute autre chose. Il nous apparaît, jeune et beau sous sa cape sombre. Porté par ses sandales ailées, il nous tend la main vers notre destinée. Sans une larme, sans un sourire, il nous transporte vers de funestes portes. Il est le passeur avant le passeur, attendant l’illustre navigateur de l’Archéron. Sur les bords ce fleuve, les morts se presse vers lui. Voyez tous ces bras qui se tendent vers lui, voyez tous ces visages tristes et fatigués qui le supplient, voyez ces corps blafards et nus qui pleurent la vie qui les a quitté. Mais lui, le dieu de la verve, ne dit mot. Stoïc face aux morts, il ne regarde même pas ce petit enfant assis près de lui, la bouche ouverte, les yeux clos qui semble attendre le repos éternel. Il ne regarde pas non plus cette femme au manteau noir, priant pour sa délivrance. Non, son regard les dépasse, lui qui est plus grand que les hommes. Il se contente d’être le phare dans les ténèbres des enfers, avec sa peau de pêche et la lune pour compagne.

Le dieu psychopompe attend le passeur de l’ombre à la barque rafistolée pour partir une fois encore à la recherche des morts.