Mille dardillons, qui s'acharnent à me pister, à me traquer, comme une bête, que je sens même, parfois, souvent -trop souvent !- s'enfoncer, et avec quelle violence, avec quelle douleur me terraser d'un millier de traits invisibles. Alors je cours, tout droit, très vite, sans m'arrêter, sans me retourner, sans observer, sans réfléchir. A cet instant je suis pire qu'une proie, je cherche en vain, les yeux et le coeur fermés, à me terrer, quelque part, reprendre mon souffle, un peu... S'ouvrir l'esprit, apprendre à voir, je n'ai pas le temps. Je file comme la lumière, fuyant ce mal invisible qui ne m'autorise nulle trêve. Je suis condamné, je l'ai été dès le premier pas. Et je ne peux plus m'arrêter. Oh ! Comme j'aimerais. Mais, dans ma course, nul temps de réfléchir, nul moyen de penser, je fonce, sans but précis. Plus rien n'importe que ces flèches, qui veulent me tuer, m'anéantir. Elles sont enduites de mélancolie et de mort, je ne veux plus sentir leur morsure, je ne le peux plus ! Je laisse tout derrière moi, tout ce passé. Même le futur, tellement figé, ne m'offre plus de surprise. Juste la douleur. Plus vite, plus loins, loin de ce présent qui bouffez tout, mes joies, mes rires. Plus rien ne m'appartient que LA peur, une peur noire et sale, enduite de mort et de crasse, de suie. Une peur difforme, informe pourrait on dire. Une peur sombre et sournoise d'enfant - Je ne suis plus un enfant ! Et pourtant...

Alors je cours...