Miholeh était un homme de science, un inventeur de génie qui émerveillât la cour de Mésopotamie.
Nul ne connaissait l’origine de son savoir, mais tous s’accordaient à dire qu’il était le plus doué de son époque.
Plus d’une fois il stupéfia ses semblables en menant à termes, des expériences qui jusque là étaient tenues pour irréalisables.
Certes, il ne lui était pas bien difficile de prendre l’ascendant sur les autres savants comme Laab, Siriso ou bien Nido, tant ceux ci préféraient les caresses du pouvoir et les flatteries de la plèbes. Mais Miholeh ne les méprisait pas, il les ignorait simplement.
Sans aucune arrogance, il considérait qu’ils ne luttaient pas dans la même catégorie.
A ceux qui tentaient de le comparer à tel ou tel autre, Miholeh répondait que la magie, qui est le contrôle de l’esprit, appartient aux magiciens alors que la science, qui est la maîtrise de la matière, est déterminée par une rigueur et une logique dont seul, un scientifique, peut se prévaloir.
Cependant, il ajoutait toujours qu’aucune des deux activités n’étaient méprisable, que l’amusement n’empêchait pas la compréhension mais insistait sur le fait que les deux n’était pas comparables.
A l’instar de ses choix professionnel, Miholeh se différenciait également des autres par ses attentes en matière de divertissement.
Rien ne lui plaisait plus que de passer du temps avec sa femme et ses trois fils.
Ceux qui connaissaient Amada « sa moitié », avaient conscience que la parfaite complémentarité qui régentait leur union, puisait sa force dans une relation ou la franchise prenait le pas sur l’amour propre.
Ils dialoguaient toujours avec calme, confrontaient sans retenus leurs avis, qui parfois divergeaient, mais le faisaient avec un souci permanant de ne jamais rabaisser l’autre.
Il l’aimait, comme un homme doit aimer une femme, elle faisait, ce qu’une femme accepte de faire quand elle aime un homme.
L’AINEEtilearsi naquit neuf mois après leur mariage.
Comme tout les premiers nés, il fut l’objet de toutes les attentions.
Ses parents le soumettaient à une surveillance de tous les instants.
Plusieurs fois, Miholeh se sentit obliger d’intervenir, menaçant de représailles physiques, les garnements qui s’amusaient à chahuter son fils unique.
Etilearsi dut cependant apprendre à se passer de ce père de plus en plus pris par ses responsabilités, de plus en plus absent.
Depuis sa plus tendre enfance il avait été le témoin privilégié des expérimentations de son génial géniteur.
Il était « là », le jour ou fut conçue la
« pile de Babylone » (1).Etilearsi, à travers toutes ses observations, découvrit la rigueur du raisonnement, l’esprit d’analyse, ce don qui aiguise les sens et permet à un seul humain de faire grandir toute l’humanité.
Certes, il ne souhaitait surtout pas passer des heures, comme Miholeh, à chercher ce qui, peut être, n’existe pas.
(1)C’était une jarre de terre cuite contenant une solution vinaigrée dans laquelle baignait un cylindre de cuivre. Ce cylindre traversait en son centre un bouchon qui tenait la jarre hermétiquement fermée. Produisant un courant d’environ 1 Volt, cette « pile » servait à agglomérer des particules d’or sur une plaque de métal commun par électrolyse.Non, ce qu’il aimait plus que tout, c’était trouver des applications pratiques aux inventions paternelles.
Son père focalisait sur « un » besoin.
Sa démarche scientifique consistait à trouver « une » solution matérielle pour faciliter « un » acte généralement pénible et quotidien.
Cette finalité tangible, Etilearsi sentait qu’elle pouvait servir à résoudre d’autres problèmes, il savait que, dans la nature, chaque élément minéral, végétal ou animal se prêtait à de multiples utilisations dans des domaines différents.
Sa capacité de discernement s’exprima pour la première fois dans le jardin de son voisin.
A peine plus vieux que lui, Neitpyge était le fils de Siriso un des « magiciens savants » de la cour.
Le jeune voisin avait une véritable passion pour les végétaux.
A une époque où l’agriculture en était encore à ses balbutiements, il se voulait à la pointe des dernières techniques de transplantation, bouturage et autres manipulations botanique.
Son père lui ayant offert un petit lopin de terre pour qu’il puisse s’adonner à son activité favorite, il se mit à faire pousser tout et n’importe quoi.
Fleurs, plantes, légumes, céréales, cactus, arbres et arbustes croissaient, en abondances, les uns sur les autres.
Après 7 ans d’exploitation intense, la terre devint stérile.
Neitpyge ne parvenait pas à comprendre quelles étaient les raisons de son échec.
Il était certain d’avoir appliqué les bonnes méthodes, celles que préconisaient les « grands spécialistes » du moment.
Témoin du désarroi de son ami, Etilearsi lui proposa son aide.
L’apprenti jardinier accepta de suite en entraînant son « dernier espoir » dans une visite méticuleuse de la parcelle sinistrée.
Formé aux techniques d’observation de son illustre père, le fils de Miholeh se désintéressa de l’ensemble des végétaux jaunis et couchés.
Ce qui le frappa, c’était qu’en arrière plan les autres espaces vert alentours n’étaient pas touchés par ce fléau.
Excité par ce nouveau défi, Etilearsi pria son hôte de l’autoriser à se retirer, lui promettant d’y réfléchir sérieusement.
Il revint 3 jours plus tard trouver le « botaniste en herbe » pour lui faire part de son raisonnement.
Il s’adressa à lui en ces termes :
« S’il existe un jour et une nuit, s’il l’un sert à l’action et l’autre au repos de tous les êtres vivants.
Qu’en est il de la terre ?
Elle, que nous voyons, que nous ressentons en action, de jour comme de nuit.
À quel moment se repose t-elle ? »
Il laissa un silence, puis reprit :
« Voici mon avis.
Puisque au bout de 7 ans tous tes végétaux dépérissent, nous pouvons en déduire que ce n’est ni un problème d’ensoleillement ni un problème d’approvisionnement en eau.
Je pense plutôt que ce sont les qualités propres de la parcelle de terre que tu as surexploité qui sont la cause de tes soucis.
Mon conseil est donc le suivant, puisque 7 ans semblent être la limite à ne pas dépasser, au risque de tout voir mourir, plante et sème pendant 3 ans, puis laisse le sol se reposer la quatrième année.
Accorde lui seulement la visite des troupeaux, car j’ai remarqué que la végétation repoussait souvent plus dense dans les lieus parcourus par le bétail. »
Neitpyge, étant à court de solution, se mit à défricher sa terre des végétaux morts et laissa reposer sa parcelle pendant une année.
Au bout de la quatrième année, il se présenta devant la demeure d’ Etilearsi menant une charrette remplie de fruits, de légumes et de céréales.
A la vue du jeune maître des lieus, il écarta les bras en affichant un large sourire mêlé de joie et de respect.
Le fils aîné de Miholeh venait de prouver que l’observation, le bon sens et la logique pouvaient s’appliquer à tous les domaines sans exceptions.
... à suivre