Une pluie verglacée a recouvert la route,des voitures en travers,les pompiers qui arrivent,impossible d'avancer.Ma fille a peur et tremble,je la rassure comme je peux mais je ne suis pas pilote sur glace,j'avance tant bien que mal,au prochain rond point,je ferais demi-tour.Mon portable sonne depuis cinq minutes,je ne répondrais pas.Je sais que j'entendrais les paroles amères de celle qui me protège de l'autre côté de l'Atlantique."Que ne t'avais-je prévenu,Bonnie?Tu es si inconséquente!"Oui,je sais.Même si je t'expliquais tu ne comprendrais pas.Une femme semble choquée,l'ambulance l'emmène,et je n'ai pas bougé,Bonnie aujourd'hui n'a pas envie de travailler,d'aider ni d'écouter.Peu à peu les voitures avancent à nouveau,dix à l'heure,je sens ma fille si tendue que j'engage une conversation qu'elle ne semble pas capter.Et puis,sans que je m'y attende,elle pose la question:"comment ça va maman?".je vois dans son regard qu'il serait mal venu de ma part de lui cacher ce que je ressens,mais j'essaye quand même un timide:"ça va,ne t'inquiètes pas,aujourd'hui ,c'est congé pour nous deux".Le rond point espéré est plus glissant qu'une savonnette,en route pour la maison et tant pis pour le collège,les patients,et le reste du monde!Mon portable ne cesse de sonner,j'aimerai vraiment qu'on me laisse tranquille ce matin,mais c'est trop demandé.Nous sommes presque arrivées,Lucy semble un peu détendue:"Je t'ai entendu cette nuit,tu parlais à Fanny et tu ne dormais pas,je sais pourquoi".Inutile de tenter d'esquiver,ou de prétendre qu'elle se trompe:"Tu étais trop contente pendant des jours et depuis hier tu es triste et tu pars de bonne heure du travail."Je reste concentrée sur la route,il ne s'agierait pas que je me plante,c'est déjà fait!Je vois bien qu'elle attend au moins une réponse,mais celle-ci reste au fond de ma gorge,je me contente de lui rétorquer qu'une fois rentrée je lui parlerai,et c'est ce que je fis.Je crois n'avoir jamais autant ouvert mon coeur à ma fille que durant ces minutes,pendant lesquelles je lui disais tout.Les rôles étaient inversés,et je découvrais,assez émerveillée,à quel point,cette enfant ,était capable d'interpréter ,au travers de ce monologue douloureux,la véritable personne qu'était sa mère.Plus je parlais ,plus son visage se fermait,et je sentais bien que c'était la plus belle leçon de vie que je pouvais lui laisser en héritage.Elle eut ce geste matûre qui me faisait défaut,elle me serra très fort ,afin que je ressente à quel point elle comprenait à ce moment.Et de notre mutuelle et naturelle fusion,naquit alors,une autre forme de complicité,dont j'aurai à user le jour où,de son coeur ,naitrait pour elle aussi ,cette brûlure étrange qui fait qu'on aime vraiment.On ne peut désaimer ,c'est dommage,avec autant de fougue que l'on met à aimer,je ne le savais pas,la leçon n'est pas bonne,elle offre juste à l'autre,une étrange et sournoise plaie béante,dont aucun baume ,fut-il bien intentionné,ne peut cicatriser.Et pour la première fois de sa toute jeune vie,elle ne dit pas maman,mais seulement:"Bonnie devrait pleurer".
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