Petit crapaud
Sous son manteau de poils,
Son cœur d'artichaut gonfle, bien au chaud.
Petit crapaud, jeune et beau,
Autant que peut l'être un amphibien de son espèce,
Aux yeux en globule, à la peau de pustules,
Attend que paraisse sa sienne princesse.
Au désespoir, il en appelle aux mages,
Aux druides celtiques, aux faiseurs d'illusions:
« Faites battre pour une, mon muscle à ventricules! »
Sur les bords de la mare, c'est tout un tintamarre.
Chacun et chacune coassent à merci:
« Coas, coas? qu'est qui y a? »
Avec un tel vocabulaire, difficile de philosopher.
Tout juste est-ce assez pour se faire remarquer.
Alors, il faut s'époumoner.
La surface de l'eau, étoilée d'éclats de soleil,
Sous la brise mutine, ondoie et rutile,
Faisant mollement tanguer les nénuphars verts ambrés.
Madame libellule, massif archiptère,
Sous l'azur cotonné de nuages,
Vrombit dans les airs au milieu des roseaux;
Tandis qu'en voisines, deux de ses cousines,
Belles et frêles demoiselles, d'un bleu vif argenté,
Posées sur la rosée d'une feuille étirée,
Unies corps à corps, en gracieuses amoureuses,
Forme une boucle fermée croquant un cœur ajouré.
Au sommet du roi chêne, une corneille prêcheuse
En habit de nuit s'égosille à tue-tête:
« Croas! Croas! Croas! »
Je croirais si je veux.
Sur la branche d'à côté, Madame Pie s'amuse
On ne sait ne de qui, on ne sait ni de quoi.
Au dessus de sa tête, d'insolents martinets,
Experts aviateurs, filent, piquent et vrillent
Comme fous dans le vent volant en escadrille.
Plus près, noyé dans les verts,
De pucelles reinettes tournent des crécelles
Pendant que les sauterelles grattent leurs archets.
Le printemps aux multiples fleurs vibre des ardeurs
De tous les habitants des alentours de l'onde.
Chacun s'en repart avec sa chacune.
C'est grande copulation sur la terre et sur l'eau
Sous le regard levé des poissons stupéfaits.
Petit crapaud abandonné ne croit plus aux fées
Et crie des « coas » à qui voudrait l'aimer.
Quand soudain, un silence inquiet se fait,
Crevé de plouf, de ploc, que grenouilles effrayées
Font dans leurs plongeons.
Apparaît alors, une féminine et humaine vision.
Crapaud ne s'enfuit pas,
Il contemple bouche bée l'étrange apparition.
C'est un rêve, elle le prend entre ses mains
Et le porte pour poser sur ses lèvres un magique baiser.
Le charme opère et la voilà transformée
En une belle femelle au corps de batracien.
« Réveilles-toi crapaud, tu n'es pas le héros d'un conte de Perrault! »
La jeune fille, grande comme une tourelle,
Observe le calme paysage puis après un temps,
Elle montre son dos et s'éloigne lentement.
La vie reprend.
R.D
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Style : Poème | Par Karoloth | Voir tous ses textes | Visite : 690
Coup de cœur : 11 / Technique : 8
Commentaires :
pseudo : Iloa
La magie, il suffit d'y croire...Cdc !
pseudo : bleu indigo
Une belle façon de nous replonger dans l'enfance...je t'avouerais que j'aime toujours autant les contes et ton interprétation est magnifique....tu devrais en faire autant avec "peau d'âne" (sourire)....CDC
pseudo : nage
Une écriture magique j'adore.cdc Biz amical.
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