Lorsque Pauline me tendit le téléphone, je me mis à le lire à toute vitesse.

« Tiens, lis ça » dit elle calmement.

L'appareil, solidement accroché à mes deux mains qui tremblaient. Seul quelques mots me restèrent. Maman. Marqueurs. Cinquième. Cancer. Tout était résumé par ces quatre mots. La même impression, se répéta comme, il y a tout juste six mois. Pas tout à fait la même, cependant. Enfin , je ne sais plus, je ne sais pas. C'était comme si vous aviez mis tant d'années à bâtir, une maison. Ça vous est chère. Et puis, un jour, cette maison s'effondre, en ne savant pas pourquoi.

Le téléphone retentit.

« C'est reparti » dit Sophie, d'un ton assuré.

« Oui. Elle se refusait de te le dire. J'aurais préféré qu'on le dise si j'étais à ta place. Voilà pourquoi, je n'ai pas préféré te le cacher. Ce matin, j'y suis allé à pied au lycée, et puis, j'ai fait son lit. »

Elle raccrocha. Le silence prit place, de nouveau.

C'était une sorte de rituel en fait. A chaque année, son lot de mauvaises surprises. En fait, c'est comme les fêtes de fin d'années. Il y a Noël, le jour de l'an et l'accident. Probablement, que dans chaque famille c'est comme ça. Il y avait juste nous qui acceptions d'en parler, et pas les autres. C'est probablement ça.

Bien sûr, elle n'en faisait qu'à sa tête, ma mère. Cela ne l'inquiétait pas plus que ça d'ailleurs. Nous étions, pour sûr, les plus déboussolés dans cette histoire. Elle était préoccupée par ses dossiers. « Mais qui va bien pouvoir s'occuper de mes protégés » lançait-elle.

Aucune plainte, aucune inquiétude. Le calme plat. Rien n'était en mesure de l'abattre, ni de l'arrêter dans sa lancée. Elle se rendit chez le médecin, qui l'avait réinvité quelques heures plus tôt, puisque elle avait omis de reprendre sa carte fidélité. Seulement, quand le téléphone de l'entrée sonna, il n'était ni question de carte, ni de vœux. Le peu de mots qui réussirent à s'extirper du combiné la laissèrent de marbre. Mais qui va bien pouvoir s'occuper de ses dossiers...

Du courage, elle en a, elle en aura.

Les malades, c'était nous. C'est paradoxal, c'est surprenant. Tout ce que vous voudrait. Nous avions eu cinq maladies, cinq ans de questionnements, de doutes, de surprises, mais aussi de bonheur.Mais nous relativisions. Il fallait mieux. On se fait à tout, surtout au bonheur. La vie est ainsi faite. Nous en avions accepté les règles, nous étions de bons joueurs, même si la case prison n'était jamais loin. Mais nous continuons, elle continuait, sans perdre haleine.