La compagne au milieu des montagnes
Zeboudja Chlef Algérie
La punition injuste s’est transformée en un voyage à la compagne où la pensée a enfin retrouvé son équilibre cérébral, qui lui permet d’actionner la machine sentimentale.
Ce voyage quotidien de Chlef au petit village de Zeboudja, a réveillé en moi le sentiment d’appartenance à cette nature sainte ou la liberté est roi, ou la liberté est loi, ou la liberté est foi.
Chaque matin après la prière de l’aube, je me dirige vers la station des taxis pour emprunter le véhicule qui me conduit à mon nouveau lieu d’exercice, en cours de route, la science attire mon attention par la présence permanente de ces groupuscules d’élèves qui attendent le bus pour regagner leur école, la couleur bleue du ciel, semble être perturbée par une masse blanchâtre de laquelle émerge petit à petit ce rayon jaunâtre qui justifie la présence de l’astre astreint à diffuser sa lumière pour embellir et revêtir la nature. Au fur et à mesure, que le véhicule avance, je ne cesse de contempler cet espace plein d’espoir et d’espèces, gouverné par la diversité et l’originalité, il a réussi à échapper aux désastres causés par cette équation infidèle à la science et à la morale. Au loin, un volume de fumée blanchâtre, éjecté par l’horizon, vient nous percuter, et oblige souvent le chauffeur d’allumer ses fards pour pouvoir avancer, le long de cette route qui mène au village de Zeboudja, sont disposés plusieurs villages, qui continuent à nous révéler l’histoire de ce colonialisme farouche, tout en nous récitant le chant de la gloire de ces martyrs, qui ont arrosé par leur sang toute cette zone pour promouvoir la pensée par le savoir, ce qui renforce ma foi, et me permet par le combat de l’injustice, de saluer l’âme de ceux qui m’ont appris à conjuguer convenablement le verbe savoir.
Je soulage ma douleur et mes souffrances avec l’expression évocatrice de l’exploit de ce neurone usé par la réflexion et honoré par la solution. Je me détache temporairement de cette connaissance quantitative, responsable de l’équation qui veut quantifier et géométriser tout le contenu de la quatrième dimension, mais elle s’affronte à cette liberté qui lui a donné naissance. Presque toute l’énergie cérébrale, est transformée en énergie sentimentale qui met en mouvement la plume pour décrire ce patrimoine de la nation libre par l’action de ces irréductibles qui se sont donnés la mort pour écrire avec l’encre rouge l’histoire de la résistance aux futures générations. En passant à travers ces petits villages très marqués par la révolution, je sens l’odeur de la fierté et de la souveraineté, se dégagée du sol de ce peuple qui continue à se battre pour conserver ses valeurs. Je sens aussi l’odeur de cette fumée dégagée par la combustion du bois, qui me fait rappeler comment autrefois, ma mère pétrissait la pâte à pain, ensuite allumer le feu de bois pour cuire le pain arabe que tout le monde attend. Les sons de ces animaux qui se promènent librement, parfois sans berger dans cette plaine entourée de montagnes, l’âne, la mule, la vache, la chèvre, le bélier, la brebis, me font voyager dans le temps pour m’évoquer mon origine, ma tendance, et mon enfance innocente.
Une fois, arrivé au village, je me dirige directement vers ce petit salon de café très modeste où je réclame quotidiennement mon bol de café au lait de vache, ma pensée me fait plonger dans l’ère de l’antiquité occidentale, qui oblige ma mémoire à rediffuser les images de ces philosophes, mathématiciens, physiciens, et poètes, venant exposer les différentes connaissances scientifiques, quantifiant ainsi la trajectoire que doit épouser le mouvement de la pensée scientifique de cette époque tout en glorifiant l’expression par la poésie. Les débats de cette cérémonie sont animés par la philosophie et clôturés par la physique qui met fin à la conjugaison du verbe philosopher.
Quand je me réveille de ce voyage de la pensée dans le temps, je me retire en douceur de ce lieu qui abrite tous les matins mon âme avec apaisement et soulagement. En sortant, je retire la porte derrière moi, ayant dans la main droite le parapluie, et dans la main gauche le livre de physique, l’éclairage publique, éveille en moi une fois encore le sentiment d’appartenance à travers cette ressemblance éclatante avec mon village natal, la nostalgie m’accompagne partout pour se joindre à l’équation et répondre à l’appel de la complémentarité de la pensée. Je regagne le lieu de mon exercice à pied, en cours de route, je me contente d’absorber les bouffées d’oxygène pure tout en contemplant la fumée dégagée de ces montagnes qui protègent le village.
En arrivant au lycée, la porte était entrouverte, il suffit de la pousser pour pénétrer à l’intérieur de la cour, le gardien vaincu par le froid, renonce à quitter sa loge, et le salut se transmet entre nous par les gestes. En poursuivant ma marche en direction de la salle des profs, je deviens prisonnier de cette obscurité qui a envahi l’espace, semble être perturbée la lueur d’une lumière qui s’est évadée du réfectoire pour marquer la présence des élèves internes. A l’intérieur de ce réfectoire en préfabriqué, qui conserve encore les séquelles de l’onde sismique, les élèves sont regroupés au nombre de huit autour de chaque table, au passage, un de mes élèves, m’invite à prendre le petit déjeuné avec eux, une fois encore, la nostalgie ne pardonne pas, et me saisit à travers le sentiment pour me rediffuser le film de cette époque écolière, pleine d’énergie et d’expression, responsable du triomphe estudiantin. La pauvreté installée chez la plus part des élèves, n’affecte pas l’intelligence, elle est vaincue par la détermination de la conviction de ces étudiants, venant de loin pour acquérir le savoir et conquérir la distinction.
Seul, irréductible, invulnérable, motivé par la foi divine, je continue à remplir ma fonction avec honnêteté et fidélité, en pénétrant à l’intérieur du hall administratif, où le silence est maître de la situation, j’ouvre la porte de la salle des profs, et j’assieds en posant mes documents sur la table. Je n’hésite pas d’exploiter convenablement ce silence en me référant à ma plume pour plonger dans le monde de l’expression avant que les autres profs arrivent.
J’ai réussi à positiver ma relation avec les profs de la cellule des sciences physiques, en m’imposant par la vertu de la modestie et par le contenu scientifique acquis pendant plus d’un quart de siècle. Je continue à ressentir durant toute mon existence, l’intensité de ce bonheur qui est venu neutraliser ma douleur et apaiser mes souffrances. Le sentiment de sécurité et de tolérance, installé par la communauté de cet établissement, assure le bon fonctionnement de la communication. Le respect mutuel et l’échange de la connaissance scientifique entre les profs, les élèves et les éducateurs, consolident l’édifice scolaire. L’appel de l’usage à la raison et à la sagesse, sauvegarde ces relations humaines. La piété et la pudeur, qui caractérisent ces ambassadeurs de la science, transforment la tristesse en joie par l’apport de la générosité et l’aide à la personne qui se trouve en difficulté. En empruntant l’escalier pour rejoindre la salle de cours, je ne m’empêche pas de constater cet état lamentable dans lequel se trouve le laboratoire, rempli de poussière, les chaises cassées, les fenêtres brisées, le vent souffle partout, pas de bureau pour prof, cet endroit est indigne pour recevoir ces diffuseurs de science, ni la substance grise, qui venue embrasser et épouser le savoir. Mais le bonheur dégagé par l’interaction neuronale, a réussi à vaincre le confort par l’effort de cette âme, qui a choisi de se distinguer par la qualité de la réflexion, et renonce à devenir esclave de cette inertie dénuée de la molécule d’intelligence.
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