Est-ce que j'ai raison d'être moi ou sont-ce plutôt eux qui ont raison de n'être pas comme je suis ?
Est-ce moi qui aies raison d'être moi ou eux qui ont tort d'être ce qu'ils sont ?
Ne devrais-je pas souhaiter être eux, c'est à dire tout sauf je - ou moi ?
N'est-il pas légitime qu'ils n'aient pas envie que je me ressemble ? N'est-il pas vrai qu'ils préféreraient que je ressemble plutôt à eux , et à eux seuls ?
En un mot, puis-je me féliciter d'être moi et non tout autre chose ?
Attendu que je ne puis être autre chose que moi dans l' état actuel des choses, ne suis-je pas en droit de les blâmer en toute bonne foi d'être ce qu'ils sont, c'est à dire du non-moi pur (et dur) ?
En suis-je pour autant moins moi, moins que moi et moins que rien ?
Ne serais-je pas mieux inspirée si j'admettais enfin qu'il est préférable de leur ressembler, c'est à dire de ressembler à tout ce que je ne suis pas ? Alors qu'en fait, à mon corps défendant, je ressemble plutôt à tout ce que je suis ? Est-ce que, quand ils disent "nous", ils disent vraiment que c'est eux, par ailleurs ?
En admettant que je  cesse d'être moi, et que moi cesse d'être je, est-ce pour autant que s'effacerait l'espace entre nous et ce qu'ils disent être eux ?
Et moi, qui rejoindrait-il ? Nous ? Et eux, que feraient-ils de je ?
Si moi lâche je, où est nous ? Mais eux disent "il ne tient qu'à toi ! "
Calculez la distance parcourue entre eux-nous tous et moi, ainsi que le carré de celle entre je et son reflet je prime (je').
Quel est le plus court chemin entre un je et un tout autre je ?
La ligne courbe, dès lors qu'elle franchit le mur du son et lumière, ne devient-elle pas le plus rapide moyen de relier moi-je (même un moi-je devenu moyenâgeux) au restant de soi-même ?