Extrait Magdeleine
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Il s’était traîné jusqu’au premier fauteuil et s’y était écroulé. Elle hurla d’horreur, partout sur ses vêtements, du sang lui avait dégouliné du visage.
“Mon Dieu que vous est-il arrivé?
- Une égratignure. Cette bête entaille s’est mise à pisser le sang.
Je me suis fait casser la figure en allant chez un client. J’ai demandé à la personne qui m’a dispensé les premiers soins de vous télégraphier. Avec toutes ces contusions, je craignais de ne plus pouvoir bouger quand vous arriveriez.”
Les larmes vinrent aux yeux d’Elen. Ne sachant trop quoi dire, elle balbutia la première banalité qui lui vint à l’esprit:
“Vous auriez dû appeler la Police, voir un médecin.
- Inutile. Des ecchymoses, voilà tout. Vous savez ce que c’est, on n’en meurt pas! Chacun de nous a sa part. Le hasard nous rapproche.”
Elen ne put supporter plus longtemps ce pieux mensonge. Elle tomba à ses pieds dans un geste de pleureuse antique. Il écarta ses genoux pour l’accueillir et cria de douleur. “Pardonnez-moi! J’ai un mal de chien!” supplia Maître Destremont qui trouva encore, on ne sait où, l’élégance de sourire: “Connaissez-vous cette Madeleine révulsée du Palais Capodimonte: une Pietà de Masaccio qui attendait autrefois le visiteur au bout d’une longue galerie?” Elen dit que “Oui”: elle connaissait ce tableau. “Quand je suis allé à Naples avec mes parents, les fenêtres du musée battaient sous l’effet du Feun, les grands rideaux volaient, c’était une approche extraordinaire.
- Depuis, ils ont rénové et installé l’air conditionné … Elle n’est plus là où vous l’avez vue, mais dans une petite antichambre obscure.
- Quel dommage!” Dans son visage tuméfié dont les orbites s’assombrissaient de minute en minute, ses yeux brillaient. “Du point de vue d’où je vous contemple, seul, le Fils de Dieu pouvait avoir la force d’âme de ne pas descendre de la croix essuyer les pleurs de Marie Madeleine.” Elen eut un nouveau mouvement involontaire qui lui arracha une grimace de douleur. “Doucement, s’il vous plaît!
- Martial!
- Plaignez-moi, il ne manquerait plus que cela à mon calvaire.”
Gros soupir théâtral!
“ … Sido pense que je suis fou, Louis me ferait interner si je n’étais pas son meilleur ami, et ma gouvernante voudrait faire mon bonheur!”
Elle se récria:
“Que Monsieur se rassure, Monsieur a payé suffisamment de sa personne pour que je manque désormais à mes devoirs.
- Enfin, vous voilà raisonnable.” Alors seulement, il l’attira contre lui. Elen enfouit sa tête dans ses habits. “Vous en avez mis du temps à comprendre!”
Peu à peu, sans qu’un seul autre signe d’émotion ne l’avertisse, la jeune femme sentit le sexe de Martial palpiter sous sa joue.
“Cela vous fâche-t-il si je reste là?
- Non, au contraire, vous le sentez bien.”
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© Anne Mordred. Exrait de Entre Chiens et Loups (2005)
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Style : autre | Par Anne Mordred | Voir tous ses textes | Visite : 579
Coup de cœur : 8 / Technique : 7
Commentaires :
pseudo : obsidienne
un petit bonheur d'extrait... (avez-vous eu mon message ?)
pseudo : malone
C'est excellent madame, superbement narré... J'ai l'impression de lire l'extrait d'un de ces bouquins que l'on lit à l'école... Je veux dire ceux qui nous donne envie d'aller jusqu'au bout! Au plaisir...
pseudo : BAMBE
Je reste époustouflée par tant de talent. Coup de coeur et c'est bien peu.
pseudo : Anne Mordred
Merci à tous! Bonne année!
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