Diego et le monde de demain. Le sable brûlant s' envole en formant des spirales rousses dans un ciel infiniment bleu, poussé par un souffle chaud et sec qui assèche immédiatement n' importe quelle source d' eau. Diego est assis à l' ombre d' un de ces arbres calcinés comme il y en a tant dans le nord de l' Espagne, le vestige d' immenses forêts détruites par les flammes de gigantesques incendies qui dévastèrent le pays il y a 30 ans, aujourd' hui, le sable, le désert, ont tout recouvert, même la vie. L' homme de 44 ans porte de vieilles sandales élimées, un jeans déchiré aux genoux, une casquette pour se protéger des rayons du soleil et un tee-shirt blanc que la poussière fait virer à l' orange. Il vient de parcourir près de 800 kilomètres depuis chez lui, là-bas, en Andalousie. Il fait 45 degrés à l' ombre et la pluie n' est plus qu' un vague souvenir, Diego en avait vu quand il était petit puis la sécheresse est arrivée. Durant son voyage, il avait eu la chance d' arrêter quelques rares voitures pour l' aider dans sa migration vers le nord, vers la frontière des Pyrénées que le désert n' a pas réussit à franchir. Depuis la pénurie mondiale de pétrole, le carburant coûte trés cher au marché noir et petit à petit, les gens ont abandonné leurs véhicules, les avions ont cessé de voler et comme tous les autres pays, l' Espagne s' est retrouvée isolée du monde. Avant de partir, l' homme avait rassemblé toutes ses économies pour boire et manger sur son trajet infernal vers la survie, juste assez pour un allez-simple, c' est réussir ou mourir. L' eau et la nourriture ont également pris beaucoup de valeur, importées clandestinement de France où quelques sources importantes coulent encore à prix d' or. Diego se lève, chasse la poussière de son pantalon et attrape son sac à dos jeté à l' ombre d' un buisson épineux, il en sort une précieuse bouteille d' eau pour en boire une gorgée. Sur la bouteille figure une image stylisée représentant les alpes francaises, l' homme reste songeur quelques secondes devant ce symbole et reprend son chemin le long de l' autoroute déserte parsemée de congères de sable. Quelques kilomètres plus loin, un village se profile dans les mirages de chaleur, alors Diego descend le talus ensablé pour s' y rendre, en espèrant trouver eau ou nourriture. Quelques dunes le séparent des premières bâtisses, il retire ses sandales et marche, abattu par le soleil. Ses pieds s' enfoncent profondément dans le sable brûlant qui fait peler sa peau mais l' enjeu est trop grand pour penser à la douleur. L' émigrant arrive au village épuisé et marche à l' ombre des premières maisons que le désert commence à avaler, c' est alors qu' il repense à son village natal, à sa maison et à sa famille. Il revoit son père et sa mère en larmes sur le perron, aux côtés de sa femme et de sa fille de dix ans en pleurs eux aussi. Ses parents, trop vieux, n' avaient pu l' accompagner et son épouse, trop fragilisée par la famine, devait veiller sur sa fille. Diego est donc parti seul dans cette course vers l' espoir, il avait entendu dire que la France, qui ne connait pas encore la famine et la grande sécheresse, accueillait certaines personnes qui réussissaient à passer la frontière franco-espagnole. L' idée est simple, se faire accepter en France et y faire venir sa famille, fuir l' évidence d' une mort certaine. Un bruit de moteur résonne dans le silence du village déserté, un véhicule tout-terrain de l' armée parcourt les ruelles ensablées à allure réduite et avance vers lui. Un homme en uniforme couleur sable, le visage dissimulé derrière de grandes lunettes noires et un turban, sort un bras sur la portière et demande à Diego d' une voix autoritaire: _"Qu' est ce-tu fait là? T' es perdu ou tu viens piller ces maisons?" Intimidé par l' homme et son véhicule imposant, Diego répond: _"Je cherche de l' eau et de la nourriture" L' homme s' assagit et enlève ses lunettes d' une seule main: _"Tu viens d' loin toi, hein? Je parie qu-t' es un d' ces types qui traversent le pays pour passer l' mur pyrénéen." _"Oui, la famine et le manque d' eau guettent ma famille, j' espère passer en France et demander l' asile climatique pour mes parents, ma femme et ma fille encore jeune." explique Diego en tendant une photo pliée où l' on voit son épouse qui tient son enfant par la main. _"Monte dans la bagnole." Diego s' exécute et grimpe aux côtés du chauffeur qui enfile de nouveau ses lunettes. Il fait une chaleur étouffante dans l' habitacle mais c' est une bien grande chance de pouvoir reposer ses pieds meurtrits. Sur le siège arrière se trouve une arme à feu de gros calibre, une boite de munition et trois ou quatres jerricanes de gasoil. _"Qu' est ce que vous faites avec cette arme? ... et où avez vous trouvé ce gasoil?" questionne Diego. _"Ca c' est des questions qui fâchent mon garçon, mais j' te trouve sympa alors j' vais t' répondre. Je travaille pour c-qui reste de not' gouvernement et j' ai ordre de traquer les pilleurs qui dévalisent les barraques d' ceux qui ont préféré partir dans les grandes villes, de démanteler les p' tits trafics en touts genres comme le carburant, l' eau, la nourriture et j' en passe, pour ça faut être armé et le gasoil c' est l' gouvernement qui fournit. Mais ces gens là comprennent pas c' que c' est qu' la famine, de devoir faire ou profiter du marché noir pour vivre, toi tu sais pas vrai? C' est pour ça que j' passe plutôt mes journées à tourner en rond et à encaisser leur pognon plutôt que d' chasser des pauv' types dans ton genre. Moi, les mecs comme toi j' préfère les aider. Moi c' est Juan et toi?" répond l' homme avec conviction tout en manoeuvrant son volant pour traverser les dunes qui les séparent de l' autoroute. _"Moi c' est Diego, vous dites vouloir m' aider?" _"Ouais, prends déjà ces bouteilles d' eau dans la boite à gants, j' vais t' conduire tout près de la frontière, y a un endroit où y a un trou dans l' mur, t' auras qu' à tenter ta chance." Sur l' autoroute, le véhicule file à vive allure en déplacant un nuage de poussière qui s' étire jusqu' à l' horizon. Quelques heures plus tard, Juan réveille Diego: _"Regarde! C' est l' mur, la frontière, les francès l' ont construit pour qu' des gens comme toi passe pas chez eux, quelle solidarité pas vrai?" En face des deux hommes garés sur le bord de la route s' élève une crête rocheuse, sèche comme la mort, sur laquelle est bâti un mur d' une trentaine de mètre de hauteur. Diego en reste bouche bée, il ne s' attendait pas quatres mois plus tôt à devoir franchir un mur frontière. Juan sort de la route pour se frayer un chemin entre les rochers et les congères de sable, afin d' éviter le poste frontière bien gardé: _"J' vais essayer de t' rapprocher un maximum de l' endroit, t' es pas l' premier qu' j' amène ici." Puis subitement, un flash puis le trou noir, le véhicule vient de sauter sur une mine, un nuage de feu s' élève dans le ciel infiniment bleu et les gardes frontières armés jusqu' aux dents s' agitent au loin. Nous sommes en mai 2049, Juan et Diego sont deux des nombreuses victimes des conflits climatiques que génère le réchauffement brutal de la planète. M.A
Le militaire prend un air désolé en lui rendant l' image:
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