Publier vos poèmes, nouvelles, histoires, pensées sur Mytexte

Habitude. par Valdel

Habitude.

Christophe était un de ces hommes se croyant vaincus par la fatalité. A 41 ans, celui-ci n'avait encore rien fait d'intéressant de sa vie. Il ne connaissait rien de ce sésame. Christophe se levait tous les jours de bonne heure, afin de gagner son travail. Jusqu'à tard dans l'après-midi. Et puis, c'était le vide. Il s'allongeait sur son lit et contemplait ce plafond crépu qui le protégeait de tout. Ensuite, dans la continuité monotone mais si habituelle de l'instant, il fermait ses paupières fatiguées. A présent, il faisait noir. Un noir total. Et puis comme tous les autres soirs, Christophe arrivait dans cet escalier aux formes biscornues. Chaque fois qu'il voyait cet endroit, il se disait que le contrôle du rêve était le seul cadeau que Dieu ait pu lui faire. Puis il descendait l'échappatoire et apparaissait devant sa "seconde" maison. La rue reflétait le soleil éblouissant cette nuit-là. Christophe leva les yeux vers le ciel, plus bleu que n'était magnifique le Pacifique. Et puis, après un coup d'oeil aux passants, qui aujourd'hui n'étaient visiblement pas très joyeux, s'envola devant tout ce monde. Pour cacher son malaise, Christophe atteignit les nuages. Pour cacher sa mélancolie, il poursuivit son vol vers le plus grand des sommets. Et pour que personne ne puisse voir ses larmes de cristal, le quadragénaire vint jusqu'à la Lune, s'assit sur le sol rocailleux mais étrangement doux, contempla la Terre. Il réfléchit, comme chaque soir. Dans sa jeunesse, le Parisien avait été sociable. Il se demandait sans cesse pourquoi la vie n’avait plus aucun goût pour lui : Sans doute s'était-il endormi sur une feuille, et l'Automne l'avait surpris. La solitude avait fait de lui un lézard, se dissimulant dans les moindres failles pour ne plus s'exposer au regard critique des autres. Une voix l'interpella. Christophe regarda derrière lui. Une femme le fixait, en équilibre entre deux roches lunaires. C'était Olivia, sa collègue de travail. Son seul réconfort quotidien. Christophe se leva rapidement malgrè la gravité instable de l'endroit. Il approcha cette lumière dans laquelle il aurait tant aimé baigner. Mais soudain, la femme fit un bond énorme et rejoignit la terre qui surplombait alors la vue. Comme d'habitude. Et pour ne pas rompre la répétition, la planète bleue grossit, grossit, grossit jusqu'à englober la Lune et Christophe. Celui-ci se retrouva dans la mer devant des requins géants. Les féroces prédateurs se jetèrent sur lui et Christophe, cette soirée encore, ferma les yeux. Puis les ouvrit pour apercevoir son plafond. Cruel destin que celui de Christophe, la Terre lui tombait dessus, il était devenu un rocher perdu au milieu de tout, dans l'immensité de l'univers. Son insociabilité avait fait de lui un marginal. Il tourna la tête vers son réveil qui indiquait 6H43, encore. Puis le malheureux vint à sa fenêtre, regarda les voitures qui lui apparaissaient petites à cette hauteur, puis le ciel nuageux, et enfin, il sauta pour ne jamais se réveiller.

"La solitude de la poésie et du rêve nous enlève à notre désolante solitude."
-Albert Béguin-

"Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur est interdite"

Style : Nouvelle | Par Valdel | Voir tous ses textes | Visite : 588

Coup de cœur : 9 / Technique : 8

Commentaires :