"Femme 39a, dvc, 2 enfants, grande, blonde, yeux verts, rédactrice en chef ch. homme 40/50 a, drôle et cultivé, situation en rapport, pas sérieux s'abstenir"

"Homme 47a, dvc, 4 enfants, 1m86, brun, yeux verts, architecte, aimant belles choses, drôle et sensible, ch. femme 35/40a pour sorties et plus si affinités. Pas sérieuses s'abstenir"

Marie avait passé cette annonce 6 mois auparavant, non sans avoir hésité. Mais Delphine, sa meilleure amie, l'avait copieusement encouragée voire harcelée en lui disant :

"Non mais dis donc, Marie, tu vas pas t'enterrer avec tes 2 mouflards dans ta grande baraque à regarder des DVD à longueur de journée, tout ça parce que t'es divorcée ??!! De toute façon, on te l'a toujours dit, c'était un vrai con ton bonhomme. Pis tu vois, au final, il s'est tiré avec sa secrétaire à lunettes. Y'a qu'le cul qui les intéresse les mecs de son âge ! Tous d'ailleurs, pas que ceux de son âge... Tous, y'a que le cul qui les intéresse sauf qu'à partir d'un certain nombre d'années de vie commune, c'est plus le tien qu'ils veulent mais celui des autres...." !

Delphine savait me parler, me dire des mots qui rassurent, qui font du bien ! Elle était aussi délicate qu'un mammouth...

Je me mis bêtement à pleurer. Pourquoi ??? Ben parce que finalement, elle avait raison ! J'étais plaquée des quatre fers et j'étais seule dans ma grande maison.

Même pas avec mes gamins d'ailleurs car ils étaient chez leur père. Ce gros naze ! On pouvait lui reconnaître ça, il s'occupait de ses enfants !

Mais moi, pendant ce temps-là, j'étais seule à la maison et je ne faisais rien pour rencontrer des gens.

Heureusement, je pouvais compter sur ma mère et surtout sur mes copines : Delphine et Cyrille !! Mais Cyrille venait de connaître elle aussi un revers de médaille : son mec était parti avec les meubles, la voiture neuve et le jardinier !!

Finalement, je m'estimais heureuse...

Delphine, quant à elle, avait tout pour être heureuse : un mari qui voyageait tout le temps, pas d'enfant, une belle-mère totalement absente et beaucoup beaucoup d'argent. Des amants aussi...

"J'ai pas envie de sortir Del' ! J'me sens pas prête, j'ai envie de voir personne. J'ai même pas le courage d'aller au cinoche. Et puis, j'ai mes DVD !" lui di-je

"Tes DVD !!! Non mais tu pètes complètement les plombs ma pauvre Marie ! C'est de la poigne d'homme qu'il te faut pour remonter la pente. Du fort, du lourd, du tatoué, du gros calibre... Enfin tu vois c'que j'veux dire..." répondit Del'

Oui, oui !! Je voyais très bien ce qu'elle voulait dire mais franchement, j'avais troqué, pour un temps, mes petits strings sexy contre des culottes mémères et je me vautrais dans ce confort douillet sans complexe. Le charnel n'avait pas sa place dans ma vie en ce moment, je n'en avais ni l'envie, ni la force !!

"Tu sais Del', un divorce, c'est pas rien hein... Toi, ça t'amuses mais moi, ça m'a bouffé toute mon énergie !! Franchement, la bagatelle pour le moment, non !" lui dis-je

Delphine leva les yeux au ciel et continua :

"Ouais mais tu dis ça pour le moment mais pense dans 5, 6 mois, quand tu auras retrouvé tout ton sex appeal et que t'auras personne pour te chatouiller là où ça chatouille..... Ah !!! Ben ouais ma vieille, faut prévoir, faut extrapoler".
"Tu sais ce qu'on va faire ? On va passer une petite annonce" finit-elle par me dire

"Non mais n'importe quoi Delphine... Tu racontes vraiment n'importe quoi ! C'est pas une pièce de théâtre là hein !! C'est ma vie. J'ai pas envie de jouer !" lui dis-je très contrariée.

"Mais il ne s'agit pas de jouer Marie !! Je suis parfaitement sérieuse. Il faut que tu rencontres des hommes pour en trouver 1 qui puisse te venir en aide !" dit Del' d'un air sérieux

Finalement, je me laissais convaincre.

"Bon alors, on va faire sobre et de bon goût" dit Delphine

Et c'est ainsi que parut mon annonce, dans différents journaux de rencontres.

A ma grande surprise, je reçus dès la semaine suivante 56 réponses !!!!!! 56 grands malades ou psychopathes, avides de sensations fortes.... Voilà ce que je pensais en mon for intérieur !

J'appelais Delphine pour dépouiller toutes ces lettres.

Parmi un flot de personnages tous plus mielleux et détraqués (Delphine savait lire entre les lignes) les uns que les autres, une annonce très courte attira notre attention :

"Homme 47a, dvc, 4 enfants, 1m86, brun, yeux verts, architecte, aimant belles choses, drôle et sensible, ch. femme 30/40a pour sorties et plus si affinités. Pas sérieuses s'abstenir"

Bon, bien sûr, ça paraissait trop beau et puis les 4 enfants...

"Mais ça veut dire qu'il est viril et fertile, Marie.... et qu'il aime ça !!! Voilà ! Et ça, c'est bon pour toi ma vieille" dit Delphine avec une capacité d'analyse très personnelle.

Je répondis donc à l'annonce dès le lendemain.

Je mis à peu près 3 heures pour écrire 4 lignes et je donnais même mon numéro de portable.

Le surlendemain, lorsque mon portable sonna avec un "numéro masqué", je sus d'emblée que c'était l'inconnu de l'annonce.

La discussion fut brève et nous nous donnâmes RV le lendemain dans un café de Paris.

Et ce fut le début d'une aventure amoureuse entre Antoine et moi. Nous nous donnions RV dans des lieux pour la plupart culturels : musée, théâtre, etc.

Antoine était un homme charmant et cultivé, d'une simplicité désarmante et charmante et quand, au bout de 3 mois, il demanda s'il pouvait venir prendre un dernier verre chez moi (nous en étions donc au "plus" des affinités), j'acceptais bien volontiers en me demandant quand j'avais changé les draps pour la dernière fois !!

Je décidais de gagner un peu de temps, envahie par une peur soudaine que je ne m'expliquais pas vraiment et décidais d'ouvrir une bouteille de champagne. Je n'en bus pas trop moi-même sachant pertinement qu'il me filait des bulles. Ce n'était vraiment pas le moment de faire des gloups !

Je proposais de monter dans ma chambre et qu'il se mette à l'aise tandis que j'allais prendre une douche.

Je pris du temps pour la douche, frottant les coins et les recoins à m'en râper la couenne et je sortis de la salle de bains.

Antoine était debout près de la fenêtre, m'attendant sans rien faire, en caleçon (j'adore les hommes en caleçon), l'air un peu bête. Moi, j'avais revêtu un kimono en satin noir, très seyant.

Je le détaillais dans la pénombre en avançant vers lui.

Je connaissais ses beaux bras subtilement poilus mais je découvrais son torse et son petit ventre à l'aspect moelleux ! Je me sentis émue et je me dis que j'allais sans doute passer un moment exquis.

C'est alors que mon regard se posa sur ses pieds..... Mon dieu !!! Qu'ils étaient laids !!! Toutes mes pensées positives et mon empathie, mon envie, mon émoi, tout reflua d'un seul coup. Je reculais même d'un pas ou deux. Comment un homme aussi séduisant pouvait-il se coltiner des pieds aussi hideux ??? Ses doigts de pieds étaient gros comme des saucisses cocktails ! J'avais l'impression qu'ils feraient du bruit si j'appuyais dessus comme les jouets pour chien ! Pouic, pouic !!

Et que dire de ses ongles de pieds ???? Rien.... C'était trop épouvantable pour en faire une description réaliste !

J'étais tentée par l'idée de lui demander de remettre ses chaussettes mais même avec.....

J'aurais sans cesse eu la vision de ces pieds bouffis !! Non, non... Ce n'était tout simplement pas possible !

Et c'est alors que vint le fou-rire !! Je ne pouvais plus m'arrêter de rire !! On aurait dit une démente et à la simple idée d'Antoine me regardant rire comme une démente, mon rire décuplait. Je pensais au fou-rire que nous aurions Delphine et moi à l'évocation de ces pieds-là le lendemain...

Finalement, après 10 longues minutes, longues pour lui car moi je riais toujours, Antoine remis ses vêtements, rangea ses pieds de cauchemar dans ses chaussettes, enfin ! et, sans un mot, il quitta ma chambre, ma maison, ma vie.

Je n'en entendis plus jamais parler et j'en fus soulagée car je n'aurais pas pu obliger cet homme à garder ses pieds couverts jusqu'à ce que la mort nous sépare !

Delphine m'appela le lendemain pour glaner quelques informations qu'elle espérait croustillantes et je lui racontais notre soirée et surtout, les pieds d'Antoine. Cela nous valu un bon fou-rire.

Dès le lendemain, elle vint me voir et me fit corriger mon annonce :

"Femme 39a, dvc, 2 enfants, grande, blonde, yeux verts, rédactrice en chef ch. homme 40/50 a, drôle et cultivé, situation en rapport, pieds tordus et dodus s'abstenir" !