Tu t'approches.
Tu as confiance.
Tu écoutes le son de ma voix.
Tu souris en écho à mon sourire, sans te douter de rien.
Nous sommes censés communiquer, comme font, couramment, les hommes.
Tu vois en moi un semblable, ton semblable...comment te douterais-tu ?
Nous entretenons une conversation plaisante, ponctuée de sourires.
Je te parle et, ce faisant, j'en oublie la question qui me hante.
"Suis-je humain, moi qui ai goûté, consommé de la chair humaine ?"
A première vue, rien ne me distingue du reste des humains.
Mieux même : ce détachement glacé, cette sauvagerie vertigineuse que je porte en moi, comme un autre moi, une autre vie, je les oublie souvent.
Comment se peut-il que je puisse perpétrer des actes aussi atroces ? De tels actes, qui, pour jamais, m'excluent de la sphère des choses humaines ?
Je ne comprends pas et je crois que ce n'est pas de sitôt que je comprendrais.
En attendant, tu continues de me faire la conversation.
Plus cela va, et plus tu te détends et, dangereusement, te rapproches.
Ce qui se cache derrière ce visage avenant, cette voix, tu ne peux l'imaginer.
Cela va au-delà de toute imagination humaine possible.
Et je m'affole. C'est comme si le sol se dérobait sous mes pieds.
J'ai peur de ce que j'anticipe déjà, dans le secret de ma pensée si sombre.
Pourquoi suis-je si lumineux extérieurement, si obscur à l'intérieur ?
A qui le dois-je ? Ne serait-ce pas à une mauvaise fée ?
Cependant que je souris, je sais que quelque chose, en moi, grimace.
Dieu, si tu pouvais voir mon authentique visage, humain confiant !
Mais tu n'en as qu'après les apparences. Te berner est si simple !