On s’était donné rendez-vous au bout du 6ème mail. C’était un peu hâtif à mon goût mais j’avais peur de passer à côté de ce que je cherchais : une émotion! Une vraie! J’avais l’impression de vivre une aventure folle et dangereuse et, quand on y pensait bien, c’en était une.
Que savais-je de cet homme avec lequel j’avais rendez-vous dans moins de 2 heures? Rien! Absolument rien! Sauf, bien entendu, ce qu’il avait bien voulu me dire de lui dans ses mails et qui, je le supputais, était un tissu de mensonges.
Cependant, je n’étais pas en quête de vérité ou d’amour mais simplement d’une expérience, physique bien sûr, mais aussi intellectuelle. Je voulais me prouver quelque chose.
C’est lui qui avait proposé le lieu du rendez-vous: Hôtel du Nord! Rien que ça!! Sauf que nous n’étions pas à Paris mais dans une petite ville de province et que nous ne risquions pas de tomber sur le fantôme d’Arletty. Je notais tout de même l’attention délicate car je lui avais parlé de mon goût pour les vieux films français.
Je relus le mail pour être sûre de ne pas me tromper : «je vous donne RV à l’hôtel du Nord, à 20h00, chambre 403, 4è étage» et il avait signé, comme à son habitude par ses initiales: YSL. Cela m’avait tout de suite interpellée lors de nos premiers échanges écrits car mon parfum est «Y» de St Laurent: YSL! Je trouvais que le hasard était amusant et c’est pour cela que j’avais choisi cet homme. Comme quoi, l’aventure tient parfois à de simples initiales!
L’heure tournait et mon angoisse commençait à montrer le bout de son nez.
J’avais déjà prévu la tenue que j’allais porter pour ce premier RV: une robe portefeuille noire en coton peigné, très sobre et très belle. Des sandales noires pas trop hautes. Et des dessous également noirs, tout en douceur et en sobriété. Quelques gouttes d’Y. Des pendants d’oreilles. Voilà! J’étais prête pour ce que je considérais comme une aventure palpitante…
J’arrivais à l’hôtel à pieds à 20h00 précises et je jetais des regards gênés tout autour de moi. Personne ne semblait faire particulièrement attention à moi. Il faut dire que cette journée d’été avait été caniculaire et les gens pressaient le pas pour rentrer au frais chez eux.
Dans le hall de l’hôtel, un trois étoiles bien entretenu, il n’y avait personne et j’en fus soulagée. Je pris les escaliers jusqu’au 4ème étage et j’allais jusqu’à la chambre 403. Je tremblais. J’étais remplie d’appréhension. Je faillis repartir et pourtant je collais mon oreille à la porte. Aucun bruit ne filtrait. Je toquais. Aucune réponse, aucun bruit. Je recommençais et comme personne ne répondait, je décidais d’entrer.
La chambre était plongée dans le noir et la porte se referma d’elle-même et cela me fit sursauter. Je ne voyais rien. N’entendais rien. Mon cœur battait à tout rompre. Je me sentais ridicule. J’étais plantée au milieu d’une chambre inconnue plongée dans un noir d’encre et je commençais à avoir vraiment peur.
Mais je finis par m’habituer peu à peu à la pénombre et j’aperçus une forme sur le lit, à ma droite.
C’est alors que la forme se mît à me parler: «bonsoir»
Quelle voix!! En moi-même, je me dis «what else!» et je m’en voulus d’arriver à déconner dans un moment pareil. La voix était grave, posée, très masculine.
«Venez près de moi» reprit la voix dans laquelle je perçus un petit éraillement sûrement dû à la cigarette.
Mon corps se décidât à se mouvoir vers la voix et j’allais m’asseoir sur le lit à côté de mon inconnu.
Un parfum fait de cigarette, de sueur et d’un after-shave savoureux me titillât les narines. J’aimais d’emblée l’odeur de cet homme.
Ensuite, tout se passa très vite. Il prît ma nuque dans ses deux grandes mains et me donna un baiser puissant et sans appel.
L’image fugace d’une femme violée et étranglée me traversa l’esprit mais déjà les puissantes mains défaisaient ma robe.
Il faisait une chaleur étouffante dans cette chambre où tout était fermé et j’avais très soif. De nouveau, une image fugace traversa mon esprit: celle d’une bière bien fraîche!
Il ôta lui-même sa chemise et je caressais son torse. Il était doux et poilu, musclé aussi. J’adorais! J’avais toujours été ému par les torses masculins.
Mais mon émotion fut de courte durée car l’homme se leva d’un coup et, sans un mot, se rhabilla et sortit.
J’étais stupéfaite!
Je demeurais un instant comme engourdie et j’allumais finalement la lampe de chevet, à tâtons.
Je jetais un coup d’œil circulaire sur la chambre à la recherche d’un indice qui m’en dirait plus sur mon inconnu.
Rien. Nada. Nothing.
«What else? Tu disais….. Et ben: rien du tout ma pauvre!».
Quelle déconvenue.
Une fois chez moi, je me précipitais sur mon ordinateur mais aucun message d’YSL ne m’attendait.
Ce n’est que 3 jours plus tard que le mail tant attendu me parvint: «j’aime vos mains sur moi, votre parfum m’enivre et vos yeux que je devine me font chavirer. Je suis parti un peu vite car j’étais trop ému pour aller plus loin. Pardonnez-moi. J’espère que vous voudrez bien me revoir. A vous de choisir le lieu, le jour et l’heure. Tendrement. YSL».
Mon sternum se contracta et un grand sourire illumina mon visage.
Je renvoyais un mail dans la foulée: «je ne vous en veux pas. RV demain, mardi 4, à l’hôtel du Nord, chambre 403, 20h00."
Et le lendemain, la même scène se rejoua sauf que mon inconnu ne prit pas la fuite.
Je passais un délicieux moment.
Cet homme était d’une puissance exquise et je me laissais mener. Il faisait divinement bien l’amour.
Ces petits RV fort agréables et palpitants durèrent 2 bons mois.
Le mystère sur cet homme restait entier. Je ne connaissais de lui que ses initiales, son odeur. Je ne savais de son visage que ce que mes mains m'en disaient. Nous restions toujours dans le noir et je trouvais cela fort romantique. D'ailleurs, je n’essayais pas d’en savoir plus sur lui.
Et puis, un jour où je montais mon cheval, ce dernier se cabra à cause du miaulement d’un bébé chat et je fis une lourde chute. Une vive douleur s’insinua dans mon épaule droite et je dus aller voir mon médecin traitant. Ce dernier ne constata aucune fracture mais décela une tendinite qui devait s’accompagner d’une rééducation chez un kiné.
«Je vous conseille de prendre RV chez M. Santa Luigi. C’est un excellent kiné qui a cependant une particularité: il est aveugle!» me recommanda mon médecin.
RV fût prit pour le lendemain matin.
Le cabinet se situait au cœur de la vieille ville, en contrebas des arcades. Un vieux corps de ferme retapé tout à fait exquis. C’était un peu loin de chez moi mais c’était charmant et par le tram, c’était une balade sympathique.
J’appuyais sur la sonnette placée à l’entrée, à côté de la plaque sur laquelle on pouvait lire: Yves SANTA LUIGI. Masseur Kinésithérapeute.
Je pris place dans la salle d’attente vide. C’allait être rapide. Tant mieux! Mon épaule me faisait souffrir et j’avais hâte de rentrer chez moi pour me reposer et pour prévenir mon inconnu que nos RV allaient devoir attendre la guérison de mon épaule.
J’étais un peu angoissée à l’idée d’être manipulée par un aveugle. C’était certainement un très bon praticien mais j’étais tendue.
5 minutes plus tard, une porte s’ouvrit et une femme me dit «entrez par là, mon mari va vous recevoir».
J’entrais.
L’odeur me cingla le visage comme un vent violent, comme une claque ! Cette odeur….. Un subtil mélange de cigarette, de sueur et d’after-shave. J’étais abasourdie. Ce pouvait-il que…..
«Madame Claire LEBIHAN. Bonjour!».
Cette voix….. La voix…… SA voix!!!!!
«C’est pour une tendinite à l’épaule droite, je crois. Allongez-vous, s’il vous plait, je vais regarder ça» continua-t-il.
Je ne pouvais pas articuler un son. J’étais tétanisée.
Mais oui, bien sûr, que j’étais idiote: YSL!! Yves Santa Luigi!
J’enlevais mon tee-shirt. J’avais la chair de poule.
Mon dieu qu’il était beau. Grand, des yeux verts un peu fixes, des cheveux poivre et sel, un visage un peu marqué, des bras musclés et poilus. Virils. J’en eus les larmes aux yeux.
Il posa ses mains sur mon bras et tout de suite, se raidit. Puis ses mains montèrent le long de mon bras, puis sur mon cou, mon visage.
Il régnait un silence de mort dans le cabinet.
Mon sang battait à mes tempes.
Je n’avais toujours pas prononcé un mot.
«C’est toi??!! Il manque ton parfum…» dit-il
«Je n’ai pas pensé à en mettre» dis-je
«Comment m’as-tu trouvé??» continua-t-il
«Un simple hasard! Une chute de cheval…» dis-je encore
«Je ne sais pas quoi dire». Sa voix tremblait.
«Tu es beau» fis-je en remettant difficilement mon tee-shirt.
Puis je pris mon sac et je sortis sans rien ajouter, en fermant doucement la porte derrière moi.
Je savais qu’il n’y aurait plus de chambre 403. Le charme était rompu.
Parfois le hasard fait mal les choses.
Après avoir digéré toute cette histoire, je me dis que ce qui était le plus drôle, c’est de n’avoir pas su qu’il était aveugle car j’aurais alors pu allumer la lumière de cette chambre 403... ce qui m’aurait évité de me cogner dans les meubles pendant toutes ces semaines.
Cela dit, si vous cherchez un bon kiné, appelez-moi…..
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Style : Nouvelle | Par pupucekib | Voir tous ses textes | Visite : 314
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Commentaires :
pseudo : Ombres et lumières, une vie
Je me disais aussi ! Décidément, je cours de cdc en cdc là ! Remarquable !
pseudo : pupucekib
N'oublie pas que tu dois te mettre à tes instruments de musique, je te rappelle que les marchés de noël nous tendent les bras !! Et Georgette et Lulu pour fêter le divin enfant..... je ne vois pas mieux !!!! hi hi hi ! Merci pour les comm et les cdc, c'est vraiment appréciable !
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