C'était très bizarre, je ne ressentais plus les émotions ! L'eau qui tombe du ciel est faite de mes larmes et c'est pour cela qu'elle est tellement précieuse !
Je me sentais bien, très bien même. En fait, je ne m'étais jamais sentie aussi bien de ma vie !
J'étais la légèreté, une plume au vent, un baiser sur la peau, une goutte d'eau en apesanteur...
Je repensais à tout ce que j'avais vécu de beau dans ma vie et qui semblait tellement futile, tellement inutile et si lointain.
Oui, j'avais vécu la fougue presque bestiale de l'amour physique, la jouissance extatique, le pincement au creux du ventre engendré par la caresse d'une main virile sur la mienne, la fragilité des sens, la faiblesse de la chair, le flottement des envies !
Oui, j'avais vécu l'ivresse, les ivresses ! Celles du vin, celles des mots prononcés par une bouche sensuelle dans laquelle on voudrait plonger, celles des sommets enneigés, celles des amitiés sans paroles, celles des regards qui touchent mieux que les caresses, celles de la douleur de l'enfantement, celles de la solitude qui saoûle comme un vent de tempête.
Oui, j'avais vécu l'admiration, j'avais souffert de suffisance même ! J'avais vécu l'égoïsme, l'égocentrisme qui consiste à se regarder se faire regarder !
J'avais été imbue, imbuvable et imbécile.
Oui, j'avais connu les revers de médaille, les mésalliances, les infortunes, les creux de la vague accrochée à un radeau de vaine espérance.
J'avais connu la plénitude, la mansuétude, l'inquiétude.
J'avais tout connu et tout vécu.
Du moins le pensé-je jusqu'à aujourd'hui où ce que je ressens ne ressemble à rien d'autre !
Et de tout ce passé, que reste-t-il ?
Des bouffées d'amour coincées dans les souvenirs de ceux qui m'ont connue et peut-être même aimée ?
Des rires accrochés à la mémoire des miens ?
Des sous-entendus dont l'écho résonne encore à l'oreille de mes voisins ?
Des tempêtes dans des verres d'eau à moitié vides ?
Des sillons creusés dans le coeur de ceux que j'ai aimés et à qui j'ai déversé, sans même m'en rendre compte, des flots de paroles fourrées à l'arsenic ?
Comme tout cela est beau, comme tout cela est éphémère, comme je voudrais remonter le cours de mon histoire, prendre ma vie à contre-courant et éviter les écueils, les vides, les doutes.
Ai-je été belle ?
Ai-je été à la hauteur ?
Ai-je servi à quelqu'un, à quelque chose ?
Je ne sais pas ! Je ne sais plus ! Mais est-il bien temps de se poser toutes ces questions ?
Je suis là, comme suspendue à rien et poser des questions ne fait qu'attiser ma souffrance et mon impuissance. Je ne peux atteindre personne et plus rien ne peut m'atteindre.
Je voudrais vous toucher encore une fois, vous que j'ai aimés et qui avez remplit ma vie alors que parfois je la trouvais si vide.
Je me dis qu'il aurait été si bon d'avancer sans questionnement, sans haine, sans doute, sans faille, sans chercher à trouver l'introuvable. Qu'il aurait été bon de rire quand il fallait rire, sans se demander si l'on fait trop de bruit, sans se cacher, sans avoir honte.
Qu'il aurait été bon de monter sur la table pour crier sa colère, son indignation, sa révolte.
Qu'il aurait été bon de dire je t'aime à ceux que l'on aime, sans attendre.
Qu'il aurait été bon de faire toutes ces choses que je n'ai pas faites.
Vivre aujourd'hui. Ne pas attendre demain.
On pense à la mort presque toute sa vie et moi, je repense à toute ma vie alors que je suis morte ! Quelle ironie, n'est-il pas ?
Je suis accrochée aux nuages et je n'y peux rien changer...
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Style : Nouvelle | Par pupucekib | Voir tous ses textes | Visite : 591
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