Guée mit 3 jours à atteindre la Cité de la Méduse1.
Trois jours durant lesquels elle rencontra ses futurs compagnons d’aventure
Que de soleil ! Guée ne put que constater les effets secondaires de la chaleur torride : les mouches,continuellement, lui tournaient autour. L’habit commençait à lui coller à la peau et s’auréolait de plus en plus de la sueur perlant sur sa peau.
C’est alors qu’elle eut le bonheur de distinguer à sa gauche un lac, elle pressa le pas pour pouvoir s’y baigner. Elle se dévêtit allègrement et plongea dans l’eau. Se laver et se rafraîchir. S’abandonner à une détente complète.
«-Alors, la température vous convient-elle ?
-Impeccable! répondit Guée.
Sortant de sa réflexion, elle réalisa, soudain , qu’elle venait de répondre à une voix grave et inconnue, venant de la berge. Elle se retourna aussitôt pour savoir si elle ne rêvait pas. Devant elle, un homme, assez trapu, aux yeux vairons:
«-Mais vous m’observez depuis longtemps ? »
L’homme lui répondit, légèrement amusé :
-Depuis un certain moment. Rares sont celles qui viennent se baigner dans ce lac… loin de toute civilisation…
-Et rares sont ceux qui empruntent cette route Monsieur !
-Appelez-moi Ben, plutôt que Monsieur lui dit-il d’une voix enjouée
-Bien, moi c’est Guée. Alors Monsieur…, Ben, je vous prierai de vous retourner, parce que je vais sortir de l’eau nue, et qu’il faut que je passe mon habit.
L’homme s’exécuta, pendant que Guée reprenant pied, alla saisir son vêtement et l’enfila prestement.
-Maintenant, je vous autorise à me regarder
L’homme la toisa, avant de lui lancer, ironiquement :
-Mais à regarder votre parure de plus près, c’est un magnifique habit que portez-vous là ! Une beauté, cette tunique en toile de jute!
N’aurait-elle pas, par le plus grand des hasards, été réalisée par ce fameux homme,Tho le Torturé ? Il a des goûts si… spéciaux? en matière de tenue vestimentaire…non, ne dites-rien, je reconnais là sa patte…
Vous êtes de ceux qui… ont décidé de franchir la porte ?
Guée commença à éprouver une certaine appréhension vis-à-vis de l’intru. Et son regard , un oeil vert, un œil marron la mettait mal à l’aise.
«-Ne vous inquiétez pas, s’empressa d’ajouter l’homme trapu d’une voix subitement plus douce, en sentant sa soudaine méfiance,. J’ai prêté serment, sur ma vie, de ne pas révéler ce lieu, ni qui en sortaient. C’est préférable pour tous.
Sur le ton de la confidence, il ajouta :
« -Vous voyez, je suis le marchand qui se rend régulièrement à la porte pour apporter diverses provisions aux gardiens et à Tho.
C’est pourquoi j’emprunte cette route régulièrement, n’y croisant que de temps en temps ceux qui viennent de la Haute-Mer. Et vous êtes très rares à oser vous aventurer ici.
En résumé, je sais d’où vous venez, pourquoi vous avez eu besoin de vous laver, et que notre rencontre imprévue n’est pas le fruit du hasard…
Guée le regarda avec des yeux ronds, s’interrogeant vivement ; dix mille questions se pressèrent sur ses lèvres, rompant le silence, elle murmura enfin:
-Mais… qu’est-ce-qu’elle a ma tenue ???
Il s’esclaffa et lui raconta que son labeur consistant à livrer des aliments là-bas, à la porte -car tout bon oracle qu’il était, Tho avait besoin de denrées alimentaires- il lui livrait notamment, des énormes sacs de jute emplis de pommes de terre, et que Tho s’en servait, une fois vidés, pour en vêtir ceux qui venaient de la Haute Mer…Trois ouvertures, et il vous faisait un accoutrement de très mauvais goût, effectivement il masquait la nudité, mais vous rendait groteste. Là, il éclata franchement de rire, les larmes lui montant aux yeux. N’en pouvant plus, il tapa les cuisses de ses larges mains, comme pour expulser cet excès d’humeur. Puis, au bout de quelques minutes, reprit son calme :
« -Venez, j’ai dans ma charrette des habits un peu plus… humains. »
Ils firent quelques mètres, et se retrouvèrent à fouiller dans la marchandise.
«-Voilà un pantalon, vous verrez, c’est plus pratique, et une chemise. »
Guée lui demanda encore de se retourner et enfila ses nouveaux habits, beaucoup plus agréables à porter que… le sac à patates…
«-Faisons la route ensemble, car tous deux nous rendons à la cité de la Méduse 1, n’est-ce-pas ? De toutes façons, c’est la seule route » proposa Ben.
Elle acquiessa.
«-Et qu’est-ce-que je fais du sac en toile de jute ?
-On va le ranger avec mes vieux bouts de tissus. Mais avant, donnez-le moi, que je vous montre quelque chose. »
Le Torturé avait cousu en bas du sac, un ourlet empli de carrés de métal. Ben le défit, et demanda à Guée de ramasser ce qui était tombé par terre.
« -Parce qu’il pense à tout ce Tho, déclara Ben.
Mettez-les dans vos poches, c’est pour vous, ce sera votre monnaie d’échange.
-Ah bon s’étonna Guée, vous payez en métal, ici ? »
C’est ainsi que Ben lui expliqua qu’elle était en possession de pièces carrées, une monnaie magique qu’on appelait les « Pschii », qu elle en possédait une petite fortune et qu’elle n’avait pas à craindre les voleurs, car les « Pshii » et le métal spécial dans lequel ils étaient fabriqués les liaient à leur propriétaire. Ainsi, si un voleur voulait s’emparer de son pactole, les Pshii, pfff, se volatilisaient au contact de la main du brigand, et réapparaissaient dans la poche de leur Maître.
C’est pourquoi, lui précisa-t-il, il était impérativement nécessaire, pour autoriser la monnaie à changer de main lors d’un achat, de clore chaque marchandage par la formule incantatoire : « Pschii it it ! ». Ainsi, la monnaie libérée allait vers son nouveau propriétaire.
« -Ah, ça, c’est une bonne nouvelle, déclara Guée. Ce sera un combat de moins à mener, car le Dragon Blanc m’attend . Enfin, ce sont les Pierres-Figures qui me l’ont affirmé»
A ces mots, les yeux vairons de Ben s’assombrirent, ses traits se crispèrent. Un souvenir le laissa absent quelques secondes.
Elle lui demanda ce qu’il avait.
«-J’ai connu une femme, il y a quelques temps, venant du même endroit que vous, et dont la quête était ce dragon blanc. Hélas, elle n’a pas survécu à la cité de la Méduse.»
Guée ravala sa salive, préféra rester silencieuse, et porta son regard sur la prairie en fleurs. Ayant soudainement envie d’emplir sa tête d’images colorées et odorantes.
Ils marchèrent toute la journée, jusqu’à la nuit tombée, des heures durant lesquels les deux compagnons de voyage parlèrent, des heures durant lesquels, aussi, Guée essaya d’appliquer le court enseignement de Tho : la douleur : 1°) : elle arrive 2°) :on la ressent et ça fait mal 3°) : elle part parce qu’on ne la retient pas.
Le soir tombé, devant un feu improvisé, pour leur rudimentaire campement, Guée dut reconnaître que quand on avait mal, on avait mal, et comme la douleur ne disparaissait pas,était bien présente, persistait, s’amplifiait même, elle demanda conseil à Ben, après lui avoir montré l’objet de ses souffrances : deux voûtes plantaires ensanglantées.
Ben lui dit que le mieux serait de porter des chaussures, ses pieds de « bébé » étant encore trop fragiles. Il appliqua sur ses plaies un baume à base de guillave, une plante aux très nombreuses vertus curatives, lui promettant, le lendemain, qu’ elle ne sentirait plus rien, mais devrait porter des protections, il en avait en réserve, dans sa charrette.
Le deuxième jour, Guée fut surprise d’attirer encore les mouches, alors que son odeur devenait plus humaine, et qu’ils avaient la chance d’avoir eu, tout au long du trajet, de nombreux points d’eau, permettant un bain.
«-Il y a encore une mouche qui rôde autour de moi. Tenez, regardez-là ! »
A ce moment, la mouche se posa sur son bras, puis repartit de plus belle, tournoyer autour d’elle.
«-Mais vous avez vu sa couleur ? Elle est violette !
-Oui, enfin, je dirais plutôt zinzolin…
-Qu’avez-vous dit Ben ?
-Rien, vous avez bien vu, je n’ai pas ouvert la bouche. »
Chose impensable, l’insecte glissait des mots dans l’esprit de Guée.
«-Non, c’est moi, la mouche zinzolin qui te parle, toi seule peut m’entendre… Je souhaite faire partie de ton expédition. Certes, je suis minuscule, mais je tiens à préciser que j’ai un Quotient Intellectuel très développé, et un Quotient Emotionnel à faire rougir les astres. Reconnaissons-le, je suis une vraie petite tête pensante de fine mouche, un cerveau d’empathique ailée miniaturisée, une mémoire phénoménale au grand cœur,… et je tiens si peu de place
-Ben , c’est cet insecte qui me parle ! »
L’homme s’immobilisa, se tourna vers elle, passa son bras par dessus ses épaules, et doucement susurra :
« -Guée, nous allons faire une petite pause car vous m’avez l’air fatigué. Et buvez un peu d’eau aussi. Oui, la guillave peut provoquer dans de très rares cas des hallucinations…et je n’aurais jamais du vous donner, en plus du baume, ses feuilles à mâcher. Je le reconnais, j’ai fait une erreur.
-Mais pourquoi ne voulez-vous pas me croire ? Tenez, ne bougez pas. Je vais demander à la mouche de se poser trois fois de suite sur votre nez, puis cinq fois de suite sur votre joue droite… Ah, vous voyez ! »
Ben dut reconnaître l’étrangeté de la situation.
Une mouche qui s’avéra être une aide précieuse, ayant accumulé de nombreuses connaissances et expériences, au cours de ses mille années de vie.
-« Mais pourquoi être venue jusqu’à moi « Zinzoline » ? »
(La mouche tenant beaucoup à sa couleur demanda à ce qu’on la prénomme ainsi, le e final, c’était pour marquer sa féminité.)
-« Et pourquoi pas… ? »
Au troisième jour, ils arrivèrent au pied de la cité de la Méduse, par l’entrée 1.
A la vue de l’imposant édifice abritant la première épreuve, Guée regretta, un court instant, qu’on ne lui ait fourni, ni armure, ni fougueux destrier, la privant d’un certain panache…à la veille du combat.
Au lieu de cela, elle, la pauvre Guerrière, devrait faire une entrée beaucoup moins glorieuse, entourée d’un livreur de patates aux yeux vairons, et d’une minuscule mouche, même pas de la bonne couleur…Et encore, elle avait échappé de justesse au ridicule du sac en toile-de-jute…
Puis, elle fixa ses deux acolytes.
Ceux-là même qui l’avaient accueilli si simplement.
Ils se sourirent.
Révisant son jugement si soudainement malvenu, elle envoya balader ses petites pensées suffisantes, son arrogance de jeune femelle orgueilleuse.
Car elle les aimait bien, Ben et Zinzoline.
-« Grâce à eux, j’aurai quand même connu l’amitié… et ce sont peut-être mes dernières heures… »
Ils pénétrèrent dans la terrible cité.
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Style : Nouvelle | Par VIVAL33 | Voir tous ses textes | Visite : 725
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Commentaires :
pseudo : alnilam
Mais quelle mouche l'a piqué ? Cette drosophile est épatante. "T'es encore habillé comme un sac", voilà d'où vient l'expression ! :-) Amitié
pseudo : VIVAL33
;-D Merci alnilam pour ta venue et ton com! Amicalement
pseudo : Karoloth
Quelle imagination, drôle avec ça. Le "pschii" bonne idée pour la future monnaie. BRAVO!
pseudo : VIVAL33
Merci Karoloth ;-D
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