Je pensais ne pas avoir droit au bonheur, que ma destinée était d'être seule, j'y ai tellement cru que j'ai fini par me persuader que je pouvais vivre sans personne à mes côtés, sans affection, sans tendresse.Je me suis habituée à rentrer, soir après soir, dans un appartement désert et sombre, à dormir dans un lit vide et froid.
Durant des années, j'ai régie ma vie de la manière la plus simple, j'ai partagé mon temps entre mon travail et mes amis.Quand on me demandait pourquoi je ne trouve pas quelqu'un avec qui faire ma vie je répondais que je ne voulais pas entendre crier parce que je rentre tard ou que je n'ai pas dis où j'étais. Mais la vérité était tout autre. J'ai menti à mon entourage et à moi-même, au plus profond de mon cœur, j'avais enterré cette voix qui hurlait un besoin que je refusais d'admettre. Celui d'aimer et d'être aimé.
Je prétendais ne pas comprendre ce désir puissant qui pousse les gens à vouloir être deux, qu’à mes yeux, tout ce qui comptait était de soulager ma libido en collectionnant les aventures d'une nuit en me servant de mon charme naturel. J'étais sûr de moi, mon visage anguleux, mes longs cheveux noirs qui accentuent le bleu de mes yeux, mon corps athlétique, ma peau halée, je savais que je pouvais mettre n'importe quelle fille dans mon lit et je m'en vantais.
J'étais heureuse ainsi, malgré la sensation étrange qu'il me manquait quelque chose. J'avais l'impression qu'une force enfouie en moi frappait pour être libérée. Quand je t'ai vu pour la première fois, je ne me doutais pas que ce serais toi qui ouvrirait cette porte.
Notre première rencontre, je ne l'oublierais jamais. Ce soir là, mes amis m'avaient tellement harcelée pour essayer ce nouveau bar, que j'ai fini par accepter, nous nous sommes assis à une table et tu es venue vers nous, souriante, vêtue d'un jeans délavé, d'un marcel blanc, tes cheveux blonds dans ton sillage, la lumière tamisée de la grande salle se reflétait des tes yeux verts. Tu étais radieuse, respirant la fraîcheur et la joie de vivre. Avec toute la douceur qui te caractérise, tu nous as demandé ce que nous voulions boire.Nous avons commandé trois bières, que tu as rapportées rapidement.
Lucas et John faisaient des commentaires sur ton physique flatteur, tandis que j'admirais ton corps musclé.Je t'ai trouvé belle, trop belle, l'idée de te draguer m'a traversé l'esprit, mais je ne l'ai pas fait. Tu avais l'air si douce, si rayonnante, je ne voulais pas te souiller en posant mes mains sur toi, j'étais sûre que tu perdrais ta clarté, tu te ternirais si tu entrais en contact avec moi.
Ce soir, là, rentrer me pesait, je ne pouvais t'enlever de mes pensées, je me suis endormie avec la certitude que nous sommes aussi différentes que le jour et la nuit et que pour rien au monde je voudrais te voir souffrir, et pour ça, je devais t'évincer de ma tête, de mon esprit, de ma vie. J'ai décidé de ne plus mettre les pieds dans le bar où tu travailles.Quand j'ai pris cette décision, j'ignorais que le destin en déciderait autrement.
Lucas et John y sont retournés, pour toi, ils sont devenus des clients fidèles, puis, tes copains. Tu as passé des soirées avec eux, petit à petit tu t'es rapprochée de Lucas, jusqu'à ce que vous deveniez amant.John était triste, il t'aimait aussi, gentil mais un peu trop benêt, il s'est ravi pour vous deux. Quand à moi, j'ai dû rompre la promesse que je m'étais faite, je ne pouvais pas m'éloigner de Lucas sous le simple prétexte de ne pas te voir.
Avec le temps, j'ai appris à te connaître, nous avons parlé, rit ensemble, tu venais vers moi, tu voulais me comprendre, savoir pourquoi j'étais si fermée, si froide, je ne voulais pas te répondre. Mais John t'a tout raconté, la mort de mon frère, ma rage, la mauvaise vie que j'ai menée longtemps. Tu avais de la peine pour moi, et je n'ai su te dire qu'une chose, ne me plaint pas.
Notre amitié a grandi, je n'avais d'yeux que pour toi, je ne cherchais plus de femme, comme si mes envies sexuelles étaient remplacées par un autre besoin, celui d'être avec toi.
Il m'a fallut du temps pour me rendre compte que ce sentiment intense, ce désir brûlant de te voir, était de l'amour. J'aurais dû m'en douter quand j'ai réalisé que je ne ressentais plus ce vide en moi lorsque j'étais en ta compagnie. J'étais jalouse, je voulais te toucher, te garder, avoir tes attentions, mais c'est Lucas qui avait tout, j'avais mal de te voir avec lui. Plus le temps passait, plus ça devenait douloureux, je trouvais toujours une excuse pour ne pas passer de soirée avec vous, jusqu'au jour où en une fraction de seconde, tu as fais éclater mon cœur de bonheur.
C'était à une soirée d'anniversaire, j'ignorais que toi et Lucas étiez invités, je vous ai fuis, faisant semblant de m'amuser, jusqu'à ce qu'il vienne me trouver, m'expliquant que tu étais aux toilettes depuis un moment, il s'inquiétait donc m'a demandé d'aller voir si tu allais bien.
Lorsque je suis entrée je t'ai vu assise à même le sol, les yeux fermés. Mon cœur a faillit sortir de ma poitrine, je me suis jetée sur toi, te prenant par les bras. Tu m’as regardé en souriant, tu étais ivre, je n'ai pas compris ce que tu m'as dis. J'ai soupiré de soulagement, en voulant te relever. Debout, tu as mis tes bras autour de mon cou, et tu m'as embrassé. A ce moment, la réalité a disparu, je ne ressentais plus rien que tes lèvres douces contre les miennes et le feu irradiant qui parcourait mes veines. Nous nous sommes séparé, mes mains tremblaient, tout ce que je pouvais voir, était tes yeux pers qui me fixaient derrière la brume de l'alcool. Dans le martèlement assourdissant de mon sang dans mes oreilles, je t'ai entendu prononcer une phrase qui, aujourd'hui encore résonne dans ma tête, je t'aime.
Tu as ouvert la cage dans laquelle j'avais enfermé mon cœur et mon âme et la voix que je m'exténuais à faire taire. Ce murmure a grandit jusqu'a devenir une pulsion incontrôlable, sans réellement m'en rendre compte, je l'ai assouvi en te prenant dans mes bras. J'avais trouvé ma place, ce vide en moi était rempli. C'était si bon, si agréable, que j'ai soupiré, des frissons tout le long de mon dos. Ma tête s'est mise à tourner quand j'ai senti ton souffle chaud contre ma gorge.
Ce moment de pure extase, que je n'avais jamais connu auparavant a été interrompu par des coups frappés contre la porte et la voix de Lucas qui nous appelait. A contre cœur je t'ai lâché avant de lui dire que tu étais ivre et qu'il décide de te ramener chez lui.
Ce soir là, j'ai pleuré toute les larmes de mon corps, dans la solitude glacée de mon lit. Une douleur sourde vrillait ma poitrine. J'ai eu la certitude que désirer fait moins mal que de perdre.
Deux jours d'angoisse, de tristesse et de souffrance ont suivi, jusqu'à ce que j'aille ouvrir la porte de mon appartement pour te trouver sur le palier. Une joie m'a envahit remplaçant la peine comme un ras de marée lorsque tu m'a dis que tu avais quitté Lucas, pour moi.
Les semaines, les mois ont passé, nous étions heureuses, je faisais tout pour te faire plaisir et toi tu me faisais sourire. Les débuts ont été difficiles, habiter avec quelqu'un était trop nouveau pour moi, je ne savais pas comment m'y prendre, tu m'as aidé, tu as été patiente, tu m'as rassuré, tu m'as apprivoisé.Tout paraissait si simple pour toi, lorsque j'avais peur, ou j'hésitais, tu me poussais à le faire. Parfois tu me disais que je ressemblais à une gamine intimidée, quand j'avais peur de faire une bêtise, tu aimais ça.
Je me souviens de notre première nuit ensemble, tu m'as avoué que c'était nouveau pour toi, j'étais fière d'être ta première femme, j'ai pris mon temps pour te faire l'amour, utilisant toute la douceur dont je suis capable, nous conduisant lentement à une extase que je n'avais jamais connu avant, tu ne m'as pas touché mais j'ai atteint un plaisir que je n'aurais pas cru possible. Tes craintes se sont estompées, tu t'es laissée aller, tu as découvert mon corps comme je l'avais fait avec le tien. Ensemble nous avons découvert le bonheur à l'état pur.
Mes amis n'ont pas cru que nous étions ensemble, certains t'ont dis que je te quitterais dans peu de temps, mais tu ne les as pas écouté.
Je t'ai donné mon cœur, je t'ai fait confiance, j'avais trouvé le paradis sur terre avec toi, tu donnais un sens à ma vie par ta simple présence, même mon appartement semblait rayonner dès que tu étais là. Je suis arrivée à me demander comment j'ai pu vivre seule durant tout ce temps, comment j'ai pu me voiler les yeux au point de ne pas voir que rien ne vaut une vie à deux.Tu as répondu à mes questions s'en t'en rendre compte. Tu m'as fait comprendre que je refusais ce bonheur car quand il s'en va, la douleur en est équivalente.
Je ne me suis doutée de rien, ni quand tu as parlé de ton envie d'avoir des enfants, ni quand tu as recommencé à voir Lucas.Je n'ai rien vu venir, mais je me souviens de la douleur, la peine, l'impression de vide qui se sont insinuées dans mon corps et mon âme, l'incrédulité, la sensation que c'est un songe que je me réveillerais. Mais je ne me suis pas réveillée, ce n'était pas un rêve, tu es vraiment partie avec lui me laissant seule avec ma souffrance et mes larmes.
Lucas pouvait te donner ce que je ne pouvais pas, le mariage, des enfants, une vie dite normale. Tout aurait été si simple si j'étais née homme. Tu as pris tout ce que j'étais, mon cœur, mon corps, mon âme, tu m'as fait découvrir le plaisir d'aimer et d'être aimée, puis tu me l'as repris, me laissant vide de toute émotion, aussi vide que mon appartement semble l'être devenu après ton départ. Je ne t'en voulais pas, au contraire, si je pouvais je te remercierais, grâce à toi je comprends pourquoi les gens cherchent l'amour.
Après des semaines à souffrir de ton absence, à subir le froid glacial qui m'a envahit lorsque tu es partie, enfin, je ne ressens plus rien. Mon cœur s'est déchiré quand ce camion a percuté ta voiture prenant ta vie et mon âme est morte quand Lucas m'a dis que tu étais en route pour me retrouver.Les mots de cet homme qui t'aimais hantent mon esprit torturé, cette simple phrase prononcée devant ton cercueil. Elle s'est rendu compte qu'elle t'aimait, que c'était avec toi qu'elle voulait faire sa vie.
Aujourd'hui, je n'ai plus de raison de continuer, tu m'aimais, tu voulais passer ta vie avec moi alors attends moi, le revolver que j'ai posé sur ma tempe nous réunira. Je n'ai plus qu'à appuyer sur la détente pour te rejoindre, toi et le bébé que tu portais, l'enfant qui aurait pu être le notre.
FIN
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Style : Nouvelle | Par akilihan | Voir tous ses textes | Visite : 520
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