POM POM POM 9-La honte

POM-POM-POM a honte d’être heureuse.

Danser-respirer-aimer-rire-dîner-dormir voilà sa vie.

En chemin pour sa répétition, déguisée comme à Carnaval, elle biche d’avoir dans son sac des chaussons, des disques, une thermos de thé cependant que d’autres arborent de lourds bagages, des attachés-cases plein d’un travail rébarbatif et pénible (lui semble t-il ), des copies, des documents, tout un tas de choses sérieuses et laides. Elle biche et ça la gêne. Pourquoi elle est heureuse, elle et pas les autres ? Peut-elle l’être ?

En tous cas elle n’ose pas le montrer.

Elle est heureuse en cachette.

Sur la scène du théâtre, pendant que concentrée elle s’échauffe, POM-POM-POM, toute honte bue, exulte. Le bien-être physique, le huilage des articulations, ses muscles bien entraînés, gonflés de santé, la bonne obéissance de la machine-corps, l’acuité maximale de ses sens, tout concoure à la plonger dans des abîmes extatiques...

Elle se sent à la bonne place, au bon endroit, dans l’ordre de ce monde, pesant de toute sa vie comme le soleil sur le tissu cosmique. Ce qui se passe autour d’elle est déformé, irréel.

Etant heureuse, elle n’est pas réelle.

Elle se sent au centre de quelque chose.

Elle existe en dansant. Elle s’est rencontrée.

Quelques heures plus tard, POM-POM-POM rechavire en apprenant que sa grande sœur a trouvé un boulot en usine, mal payé, sans vacance ou si peu... et pour tout dire...sans plaisir.