Il existe un monde où les gens ne se parlent pas, où les voix ne résonnent pas sur les murs calcinés.
Un monde où les regards sont absents, où les paupières restent définitivement closes.
Un monde où rien ne brille, où toutes les choses sont vides, sans âme, un monde où tout est insipide.
Ce monde là, tout un chacun l’a déjà entre aperçu, a déjà eu son goût rempli d’amertume dans le fond de la gorge, comme une gorgée de sang, l’âpreté du fer rouillé sur une langue étonnée.
Les têtes se baissent, les corps ploient sous la douleur des lanières qui déchirent les chairs des épaules.
Tout est tellement plus lourd dans ce monde là, la peine n’y fait pas exception.
Le sol est aride, les arbres sans feuilles consumés sont prêts à s’abattre à chaque instant.
Tout s’effrite, rien ne dure.
Tout sauf cette mortification des lieux qui s’étend à perte de vue.
Même la pluie est acide. L’eau ne désaltère plus, la nourriture ne contente plus cette faim qui ronge et qui implore un peu plus chaque jour d’être assouvie.
Il n’y a pas de porte de sortie, pas de cerbères à duper pour acquérir son billet de retour.
Et ces chaînes qui s’alourdissent, clouant les chevilles au sol.
Et cette peau écartelée qui rappelle combien les heures qui défilent sont précieuses.
Dans peu de temps, il n’y aura plus qu’un champ de cadavres.
Bientôt une atmosphère putride, une bourrasque, peut être, pour danser dans les cheveux des morts, un dernier cliquetis de chaînes…Puis plus rien.
Le néant à perte de vue, et pour les quelques survivants, une éternité à errer.
Du sable brûlant les pieds, un faux soleil rougeâtre rongeant la peau que les lambeaux de tissus ne peuvent plus draper.
Des pas lents, indécis sans direction.
Des bouches sèchent, des lèvres craquelées.
Des bras ballants, des poings fermés.
Plus de temporalité, plus de sensations douceâtres d’une nuit qui se lève, d’une brise qui fait frissonner l’épiderme.
Juste un noir profond dans une chaleur suffocante.
Mais toujours cette volonté d’avancer…Un pas, puis un autre, même si les chevilles saignent, même si les pieds ne sont plus que brasier.
Avancer quoi qu’il puisse en coûter. Y croire malgré tout.
Petit à petit, relever la tête et faire face. Desserrer les poings, caresser ce sable hostile.
Tenter le tout pour le tout. Vivre ou mourir là, qu’importe du moment que les sens sont à leur paroxysme.
Qu’importe tant que les paupières ne sont plus closes.
Qu’importe du moment que les yeux sont ouverts à nouveau.
Tout prend alors un autre sens :
« Ce n'est pas la lumière qui manque à notre regard, c'est notre regard qui manque de lumière. »
(Gustave Thibon)
Ne plus fermer les yeux.
"Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur est interdite"
Style : Pensée | Par Meigetsu | Voir tous ses textes | Visite : 261
Coup de cœur : 7 / Technique : 6
Commentaires :
Nombre de visites : 11308