Tout est un jeu.
On n’imagine pas toute la place que peut prendre un vide.
Ne plus rien ressentir. Perdre la partie. La vie avec un tout petit v.
Je ne l’imaginais pas jusqu’au jour où un homme a tué ma fille.
J’ai alors connue cette frontière fragile entre l’avant et l’après, cette seconde morbide où l’on chute. C’était un nouveau monde, le ghetto des mamans ayant perdu leur âme. Un monde où tout est écrit en majuscule. Plus de nuance, on hurle son Chagrin, on crache sa Peur, on vomit la Cruauté humaine. On devient fou et on est bien d’aller mal. J’ai effleuré les sentiments les plus destructeurs. J’ai connu le pire. Mais le pire fait parfois des clins d’œil …
Morte vivante, je suis tombée amoureuse au moment le plus triste de ma vie.
Un pôle A, un pôle B, une rencontre, électrique. Instinctivement j’ai aimé cet homme.
Un sursaut d’amour.
Très vite, je me suis remplie, encore et encore de tout ce qu’il pouvait me donner. Espoir, tendresse, avenir, douceur, vie … J’ai rempli mon vide de banalités ; croire à l’évidence, ne faire plus qu’un, se comprendre sans mot, fusionner …
Mes bouées de sauvetage.
C’était terriblement fort.
Sexuel.
Avec cette impression troublante de percevoir un peu de moi en lui.
Je me sentais intouchable, nouvelle, vraie alors que tout avait fané à l’intérieur.
J’ai couché avec cet homme, des milliers de fois.
Et j’ai compris l’essentiel.
Le contraire de la mort n’est pas la vie, mais l’amour.
Peut on se remettre d’un drame ?
Oui.
Y a t-il une limite à la souffrance ?
Non.
Un détonateur, une bombe. Un coup de fil, ma vie. Tout a explosé. Ré explosé.
Imaginez …
Une chambre rosée par l’aube. Vous vous réveillez avec votre main dans la sienne, c’est un matin câlin, heureux, toujours taché d’un manque mais finalement comme les autres. Et pourtant c’est le dernier matin de votre vie. Le téléphone sonne, vous décrochez …Police, enquête, nouvelle piste … ADN, suspect, trouvé … Fin, deuil, justice… Des mots virevoltent dans votre esprit sans que vous ne compreniez leur puissance.
Cruel retour en arrière.
Vous sentez alors le moment arriver, ce moment intimement espéré.
D’une silhouette, d’un visage, d’un regard tant de fois imaginés vous allez passer à un nom.
Qui ?
La réponse qui cristallisait toute votre souffrance.
Qui a regardé les yeux bleus de votre petite fille pour la dernière fois ?
Vous êtes à l’aube de savoir.
Qui vous a tué de l’intérieur ?
Excitée, perturbée, creuse.
Votre interlocuteur vous prononce alors un nom.
Un nom comme une balle en plein cœur.
Quoi de pire que la mort de son enfant ?
Aimer son assassin.
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Style : Nouvelle | Par Petite hirondelle | Voir tous ses textes | Visite : 579
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