On pouvait apercevoir depuis les hauteurs de la villa Midihuit, une longue traînée poudreuse ocreuse quasi matérielle marquant les chemins empruntés. Elle retombait en cascades silencieuses, en doux geysers ralentis, dès après avoir été soulevée. Rien qu’en suivant l’évolution de sa densité lactée, et même en arrivant en retard sur les lieux d’observation, on reconstituait tout l’itinéraire de Monsieur Verdot. Tantôt effacé et lointain ce dernier semblait disparaitre derrière un tertre ou sous une couche poussiéreuse qui l’absorbait tout entier, semblait le digérer « à l’image » et le transformait en paquets de pixels vrombissants et rageurs. Puis, zoomé, détaillé, disséqué, tous auraient juré avoir vu qui son dos, une jambe, qui une mèche de cheveux balafrant son regard.
D’autres fois encore, il surgissait comme un pantin lancé vers le ciel, s’enfonçait dans les buissons et retournait au néant.
Lui, il allait, résigné mais alerte, complice de l’inéluctable...
Tous, agrippés à la balustrade romaine, prenant conscience de la brèche qu’ils avaient ouverte, frissonnèrent de désir et s’armèrent. D’un uniqu’ oeil rond et avide, ils visaient la cible mouvante, se surprenant eux-mêmes de la montée d’adrénaline qui envahissait leurs organismes.
Et puis, je sus que Verdot voulait perdre, qu’il était prêt à se battre pour ça, que c’était même l’unique chose pour laquelle il était né.
En un clin de nerf, je localisai pleinement les trajets fourchus de ma moelle épinière... perçu les points d’ancrage de chacun de mes poils, une érection intime me vit pâlir : Verdot se jetait de bon corps dans les bras de sa mort !
On le vit s’étirer comme un chat vers le ciel dépassant de toute sa tête les collines lointaines ; il s’immobilisa quelques secondes ; chacun épaula, arma, visa ; Verdot, comme s’il s’était vidé de tout son air, éphémère baudruche comique, se dégonfla en un temps record jusqu’au sol.
Il inspira et roula de tout son long vers le fond du décor en expirant.
2 secondes plus tard, il entamait une série de roues frontales enchaînées déchaînant des salves de plus en plus farouches sauvages désordonnées vengeresses ...
Avait-on vu ce qu’on avait crû voir ? Etait-il apparu ou avait-il disparu ? Nul ne le sut.
Verdot comme affublé de ressorts, continuait, joueur suicidaire, et les tireurs s’épuisaient.
Alors il les affronta, il les provoqua, il les toisa, se pétrifia au centre de leur écran d’action, les orteils largement ancrés dans la terre et les cieux dans ses yeux, un espoir fou dans sa posture.
Les souffles se retinrent, les natures se turent, les arguments se fuirent, les sentiments s’étouffèrent, une unique décision les lia.
Elles allaient tenter leur dernier coup, toutes ensemble et en même temps, les quinze puissantes armes orientées vers une même cible.
Verdot posait, ne remuait pas une oreille, attentif à l’oeil qui allait l’abattre. Il posait comme devant un objectif, perdu dans un irréel à lui seul accessible. Quand les armes vrombirent, les tireurs rugirent, Verdot s’évanouit.
Traînées de poudre et poussières en suspend interdirent toute évaluation.
Etait-il mort, personne n’avait crû le toucher, ou vivant, tous avaient tiré.
Chose incroyable, et ce malgré les efforts visibles de Verdot pour faciliter la tache de ses détraqueurs, pas un ne l’avait atteint, tous le déplorèrent... et lorsqu’enfin retentit la clausule, bien qu’il fût plus mort que vif, et plus désespéré que jamais, Verdot se redressa d’un seul coup sur son séant, ignora les acclamations du public, ramassa ses affaires et amer, sortit de l’arène d’un pas lourd, ballant sous l’inacceptable :
la mort ne le voulait pas.
Elle préfère assurément, cette indomptable effrontée, prendre ceux qui ne l’appellent pas !
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Style : Nouvelle | Par yolli | Voir tous ses textes | Visite : 679
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Commentaires :
pseudo : flenn
Etrange. Bien écrit mais étrange.
pseudo : yolli
Strange, c'est le mot...tout ça est onirique...
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