Sur le chevet qui borde ma couche,
La lueur d’une bougie éclaire furtivement,
Une carte postale, jaunit, vieillit par des années
Passées, accrochée sur les murs de ma chambre.
Derrière la danse enchanteresse de cette lumière,
Les formes apparaissent et dessinent un paysage connu, aimé.
J’embrasse un sourire et souffle dans un soupir mélancolique
Son nom…Sarajevo…
Lumineuse et envoûtante, attirante et désirable, voluptueuse et ensorceleuse.
Le temps de quelques années, j’y ai vécu, grandi.
Mais les joies sonnées de cette photo cache une terrible peine.
J’y revois, par détresse, des ombres, des armes, des enfants.
J’y entends, par résonance, des cris, des hurlements, des pleurs.
Les peines de la guerre crèvent la bulle d allégresse de cette image colorée.
Les souvenirs tragiques me reviennent et rassemblent en moi
Une part douloureuse qui ombragea mon enfance.
Mes pensées réveillent mon esprit et chagrine mon cœur.
Ma gorge se noue, mes yeux sont gagnés par les larmes.
Les rires des enfants ont laissé place aux pleurs des mères
Recherchant le nom ou le visage d’un proche sur les listes d’anonymes
Accrochés aux murs d’un hôpital de fortune.
L’espoir de revoir, de serrer les êtres qu’elles ont tant chéris,
Vu grandir les hommes que nous étions devenus…
Mes yeux se ferment, mes pensées s’envolent…
Je revois autour de moi les visages de ceux qui ont construit ma vie
Et ceux des bourreaux qui ont détruit mon pays.
Je revois les rues aux mille fleurs, aux milles couleurs,
Les vallées verdoyantes et les monts enneigés.
Je revois les champs de blé sur lesquels mes mains
Caressaient les têtes d’épis.
Le vent adoucissant la plaine comme la mer ses vagues.
Les visages de mes compagnons d’armes, de devoir, me hantent,
Tant d’espoir en nous soufflé par la folie de barbares révoltés.
Notre jeunesse n’a connu que chaos et destruction, misère et souffrance.
Tant de haine en nous acquise chaque jour de guerre passé.
J’ai fui cette ville, ce pays qui est le mien.
Elevé et recueilli par une terre d’accueil qui, un jour,
Ma laissé espérer en des instants meilleurs.
La flamme de la bougie vacille, et l’ombre qu’elle produit
Glisse sur les lisses murs autour de mon lit.
La cire disparaît peu à peu ; elle est prête à s’éteindre…
Allongé sur mon lit, je ferme mes yeux espérant y revoir
Le film de mes jeunes années.
Je me laisse guider dans le long corridor de mon dernier voyage, apaisé.
Un dernier soupir…mon regard se trouble, s’assombrit.
Un sourire furtif, une larme glisse le long de ma joue…
Mon âme se libère du fardeau de mon être.
La flamme de la bougie disparaît laissant derrière elle,
Un léger filet de fumée…
Elle vient de se consumer pour la dernière fois…
J’aurais tant voulu revoir Sarajevo…
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Style : Nouvelle | Par pegase4408 | Voir tous ses textes | Visite : 676
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Commentaires :
pseudo : marty alain
je n'est jamais lus quelques chose a la fois reel et tres beau.GREAT
pseudo : sylphide
Quelle détresse dans ces mots. C'est poignant à fendre l'âme, si bien décrit avec tant de qualificatifs, qu'on voit les images devant les yeux. J'espère qu'avec l'extinction de la bougie, ne s'est pas éteint l'espoir de revoir Sarajevo.Vraiment magnifique!
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