-1-
Il y a de ces gens rencontrés, au cours d’une vie, qui vous laissent des impressions indéfinissables.
Qui vous disent, qui vous êtes, pour quoi vous êtes faits, comment penser et vivre.
Il y a de ces gens rencontrés que l’on a envie d’appeler Maître, parce qu’on croit qu’ils nous réveillent et nous révèlent à nous-mêmes. Des exemples à suivre. Et qui nous mènent vers notre propre chemin, notre réalisation, à la recherche de notre propre vérité. Notre guide intérieur.
En silence.
Loin des brouhahas.
… Et puis il y a des gourous qui rentrent, en fanfare dans votre vie, qui vous disent, avec faste, qu’ils sont la lumière, ils sont tellement convaincants que vous les suivez, jusqu’à vous enfoncer dans les ténèbres, dans des abîmes de douleurs, des abysses ou il vous devient impossible de respirer.
Parce qu’ils vous imposent leurs croyances.
Et que ce n’est pas notre vérité.
Il y a des gens qui nous étouffent.
… D’autres qui nous libèrent.
Et des paradoxes.
Un lâcher de corbeaux.
Il y a ceux qui disent : « Ecoute-toi, fais-toi confiance ».
… Et ceux qui disent : « Fies-toi à moi, car je suis le guide ».
Il y a ceux dont les préceptes sont, et je les ai entendus : « Si je ne te manipule pas, un autre le fera (car tout le monde manipule tout le monde), si je ne te mens pas, un autre le fera (car tout le monde ment à tout le monde)… » dont la logique sentencieuse vise avant tout à justifier leurs propres défauts, à les minimiser, et dont la conclusion logique devrait être :
… « Si je ne me comporte pas comme un con avec toi, un autre le fera (car je ne suis qu’un con, car nous sommes tous des cons de menteurs, manipulateurs, tricheurs, hypocrites…) »
De ces gens qui vous tirent vers le bas.
La corruption.
L’aliénation.
Il y a ceux qui poussent à l’autonomie, à utiliser au mieux les qualités personnelles, qui vous aident à naître.
…Et ceux qui préfèreraient vous voir avortés.
Certains qui vous respectent, même si vous avez tout perdu.
…Et d’autres qui vous piétinent, justement parce que vous avez tout perdu.
Il y a des gens qui ont conscience que l’estime est une valeur fondamentale.
… Et d’autres qui ont conscience que vous êtes à leur merci, puisqu’ils ont la puissance que vous n’avez pas ou plus.
Le pouvoir de vous écraser.
Parce qu’ils ont compris, depuis longtemps, l’art de la domination.
Subtilement.
Poussant les êtres humains dans leurs faiblesses, les déstabilisant, les infantilisant, les culpabilisant, salissant jusqu’à leur dignité, les humiliant pour obtenir ce qu’ils veulent.
Sous des masques d’innocence, des sourires feints. De spiritualité.
J’ai connu les deux extrêmes :
Un Maître
…Et un Gourou.
Un homme sublime
…Et un arriviste.
Comme un lâcher de corbeaux
–2-
Je l’ai connu parce qu’il fallait que je soigne des douleurs.
Anciennes.
A cause de ces oiseaux de malheur. Qu’on m’avait mis dans la tête.
Des corbeaux.
Oui.
Quand je ne m’écoute plus, ce sont leurs cris qui emplissent ma boîte crânienne.
Et dans ces moments-là, je croâ, pardon, je crois tout ce qu’on me dit.
Non, ne souriez pas.
Bien entendu, ce sont des animaux imaginaires, venant de l’inconscient, des méandres de mon nébuleux cerveau, mais ils troublent ma perception.
Et puis, il a bien fallu que j’apprenne à les regarder. A les reconnaître, et voir comment ils se sustentaient de ma vie.
A les laisser prendre leur envol, pour qu’ils sortent.
Au centre de moi-même.
Ils me racontaient mes conditionnements, des choses enfouies, oubliées,
Des séries d’images qui allaient et venaient. Et qui finissaient par disparaître. Partir en fumée. Dans des bruissements d’aile. Des courants d’air.
Ce n’étaient que des histoires qu’ils me crôassaient.
Mais elles étaient si horribles.
Rien que du vent.
Mais si glacial.
Et ces histoires (ce n’est pas par hasard) me rappelaient ma terre natale, les terres humides froides, labourées, eux à la recherche de nourriture et leurs cris si pénétrants : « crois, crois…» leur lugubre apparence, ces acteurs de série noire. Toute mon enfance de crois, croix, crôa… crôa, croix, crois...
Oh, dans un premier temps, j’ai essayé de fermer les yeux, d’imaginer, d’autres oiseaux, plus blancs, lumineux, aux doux chants roucoulants.
Et de troquer mes corbeaux contre des colombes.
Car c’est plus noble de dire : « J’ai des colombes dans la tête » (même si, à la longue, leurs chants mièvres et sirupeux doivent être insupportables).
Et mon rusé mental, le persifleur, vous savez ce qu’il s'était amusé à me souffler ? « Oui, très bien pensé, Femme, mais si ces oiseaux te survolent et s’ils en viennent à lâcher une de leur fiente. Alors, préféreras-tu être touchée par une fiente de corbeau ou de colombe? Quelle sera la plus noble ? Dis-moi ? »
Oui, parce que mon mental a un humour du même noir que mes corbeaux…
Non, ne vous moquez-pas.
Parce que, vous, qu’avez-vous dans la tête ? Que retenez-vous ?
Moi, j’ai eu le courage d’ouvrir la cage (en fait j’ai été obligée de scier les barreaux, la porte restant fermée malgré tous mes efforts et ma bonne volonté). Pour me libérer de ces créatures.
Et, au final, je suis allée voir un guérisseur.
Je suis allée voir un homme pour comprendre mes corbeaux.
Pas de chance, il s’entourait de hyènes.
Car il y a des gens habités par de terribles prédateurs.
Mais je ne l’ai su que bien tard.
Oui, j’ai rencontré quelqu’un qui s’entourait de hyènes et les laissait se promener dans sa tête. Pour qu’elles le débarrassent des cadavres. Non, ce n'était pas un tueur à gages.
Il leur avait construit un bien bel enclos, un vaste territoire, dans lequel il aimait à régner. Et puis, il a commencé à s’entourer, dans sa vie courante, d’hommes et de femmes, les instrumentalisant.. Recréant une savane peuplée de hyènes. Les nettoyeuses. Un clan de femelles dominantes à la vulve proéminante, thérapeutes de l’extrême, chargées de lutter contre la vermine, contre la propagation des épidémies, mangeant les restes, des corps en putréfaction, tuant parfois aussi, avec des ricanements qui faisaient échos à son cynisme. Pour défendre son territoire.
Il n’en faisait toujours qu’à sa tête, enfermé avec elles.
Il m’a demandé d’être une hyène, pour me guérir, mais je ne le pouvais pas. J’avais déjà assez de mal avec mes corbeaux (et puis, ils n’étaient pas d’accord…) Alors, il a lâché ses hyènes sur moi, parce qu’il fallait bien les nourrir ces pauvres bêtes… A l’époque je devais être un peu suicidaire d’être allée vers lui, je devais sentir le mort...
J’y ai laissé certaines plumes.
D’autres m’ont servi à écrire.
J’ai compris combien beaucoup souffraient.
En proie à leurs natures bestiales.
Depuis j’ai rencontré d’autres personnes, avec des têtes emplies de pingouins, d’ours polaires, de lapins, de linottes, de tigres, de crotales…d’escargots…de frelons
Et je me dis qu’il y a des terres où l’amour ne pourra pas grandir, s’enraciner, parce que le sol y est stérile.
Et je me dis qu’il y a des êtres que l’amour ne pourra atteindre, à cause de leur tête, d’une part animale dont ils ont conscience, mais qui les asservit. Ayant oublié qu’il faut travailler, aussi, à élever sa conscience, de mammifère et d’être humain.
Certains hommes ne sont pas des guides, mais de simples prédateurs.
Aujourd’hui, il m’arrive de sortir me promener, d’écouter le chant des oiseaux.
De savourer ces moments précieux, de silence intérieur.
Et parfois, des champs fraîchement labourés, je regarde les corbeaux s’envoler.
Déployer leurs ailes.
Libres.
Beaux.
Je repense à notre évasion…
Et nous nous saluons.
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Commentaires :
pseudo : Ombres et lumières, une vie
"Pas de chance, il s’entourait de hyènes. Car il y a des gens habités par de terribles prédateurs." Respect, Vival, sincèrement, respect !
pseudo : Ombres et lumières, une vie
Respect ET coup de coeur ! ET technique (fine, mais bel et bien présente !
pseudo : BAMBE
Un périple plein d'enseignement sous la clarté de ta plume transportée par ton humanité. Merci pour tous ces maux dévoilés.
pseudo : Karoloth
Bon sang! mais par quoi suis-je donc habité?! Tous, à un moment, sommes à la merci des conteurs de vérités. Par chance, je leur ai échappé. Ce texte est magnifique, merci de mettre en garde les égarés.
pseudo : marty alain
tres bien ecris et raconter. Avant tout il faut savoir croire en sois si on ne crois en rien
pseudo : alnilam
Comme les prédateurs sentent l’animal fragile, ils sont là au moment propice. Merci Vival pour cette mise en garde faite avec ce talent la . Et coup de coeur bien sûr!
pseudo : ciloum
je suis contente que ces corbeaux soient partis car pour les supersticieux, qui le sont ou s'en amusent, ils ne sont annonciateurs que de malheurs Bravo pour les figures de styles! c'est un délice
pseudo : VIVAL33
Merci à vous tous pour vos commentaires qui me vont droit au coeur ;-D! (c'est vrai que le corbeau est devenu un symbole négatif depuis peu, et surtout en Europe... comme le loup). Amicalement.
pseudo : alnilam
Le pouvoir des légendes sur l’inconscient populaire. Le loup n’est pas le bienvenu en France (le petit chaperon rouge). Le Mercantour et le loup ! Il est bien considéré en Italie, là-bas il y a eu Romulus et Rémus. il n’y a pas la même polémique avec les éleveurs, de l'autre coté des alpes . surprenant Vival non ?
pseudo : VIVAL33
Donc, alnilam, si on a des loups dans la tête, il est préférable de franchir les Alpes? (je plaisante ;-D... enfin pas tant que çà...). Oui, notre problème, avec les légendes, est d'en faire nos croyances, des vérités, alors que ces histoires symboliques sont des métaphores... enfin c'est ce que je pense... les animaux, que j'aime tant, ne semblent pas névrosés ni livrés à l'inconscient (excepté les animaux de compagnie (on doit les contaminer ;-), heureusement, il existe maintenant des psys pour eux...). Récemment, on a commencé à vouloir exterminer les hyènes, mais on s'est rendu compte qu'en les exterminant, les épidémies revenaient... Quand aux corbeaux, la superstition s'est développée au Moyen-Age, en Europe, c'était peut-être à cause des pendus qu'on laissait dans les arbres, et que seuls les corbeaux pouvaient atteindre, pour faire leur travail de charognards...? On est bien conditionné Amitiés alnilam
pseudo : Ombres et lumières, une vie
Place de Grève Il y avait une ombre et des corbeaux pensants qui détestaient les ombres et leur bouffaient le foie, le cœur -le foie d'une ombre, monsieur, vous délirez- et l'ombre tressautait partait en petits bouts mais sans oser crier de peur de déranger -et pourquoi voulez-vous qu'une ombre me dérange, monsieur ?- elle se bornait à rétrécir au becquetage jusqu'à ce qu'il ne reste que l'ombre de la corde ombre trop matérielle pour des corbeaux pensants -monsieur...- que l'ombre de la corde à laquelle pendait enfin vraiment dé ses pé rée l'ombre de l'âme d'un pendu. 1973
pseudo : Ombres et lumières, une vie
Tu imagines mon commentaire, Vival 33, en poème, un peu en forme de corde de pendu ! (Cf. "Place de Grève" un de mes poèmes). Mais je passais aussi pour te remercier d'être (à juste titre) sensible à ma musique !!!! Sourire !
pseudo : VIVAL33
Merci Hombre! ;-D
pseudo : alnilam
enfin pas tant que ça..."? (heu, le point d'interrogation, c'est parce que je sais pas lire les points de suspension des autres auteurs, donc je me demande (et te demande) ce qu'ils voulaient dire ;-)...) Amicalement
pseudo : VIVAL33
Ah, toi aussi tu penses la même chose que moi (mot pour mot, c'est pas croyable ;-)) des points de suspension!!! Cette histoire des loups, mieux considérés en Italie, m'a rappelé une connaissance (qui aime beaucoup les loups et s'y identifie), et voyage pas mal dans ce pays (il doit s'y sentir moins persécuté). C'est ce qui m'a fait rire quand j'écrivais mon commentaire. Allez, pour le plaisir, je termine en points de suspensions........ Amicalement
pseudo : alnilam
quand on "parle du loup", je pense souvent à Hélène Grimaud, une artiste que j'ai connu par hasard dans un documentaire, un personnage impressionnant. une enfance difficile, sauvée par la musique, et passionnée par les loups.
pseudo : VIVAL33
Oui, belle et grande pianiste. .-D
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