(...)Tante Picsou ricana en dodelinant de la tête d’un air navré, ce qui eut le don de m’exaspérer un court instant, mais reprenant aussitôt le contrôle de moi-même je n’en laissais rien paraître. Elle se leva lentement puis vint poser une demie fesse sur le bord du bureau. Elle croisa les bras et se pencha vers moi. J’eu alors la sensation désagréable de faire un bond dans le passé pour me retrouver dans le bureau de Madame le Proviseur… (Même parfum : Paris D’Yves St Laurent…).
Elle m’expliqua, un sourire narquois aux lèvres, que j’avais beau jeu de me défausser sur les autres de mes déboires et de ma propre insolvabilité. Conséquence probable de mon naufrage professionnel et de la gestion chaotique de ma vie personnelle. Puis elle ajouta en me fixant droit dans les yeux que les rouages de la finance internationale m’étaient visiblement étrangers et que de toute façon ça ne me regardait pas. Le ton méprisant avec lequel elle s’adressait à ma personne atteint des sommets lorsqu’elle m’annonça que pour la prolongation et qui-plus-est l’augmentation de mon découvert autorisé je pouvais me gratter à deux mains puis elle termina son intervention en me priant de laisser mes pauvres arguments au comptoir du Café du Commerce… Je réfléchis intérieurement tout en continuant à sourire, pour essayer de localiser mentalement ce débit de boissons dans la ville, mais je n’y parvins pas… Je me dis que je regarderai plus tard sur Mappy ou Google car c’était peut être un de ces endroits pour noctambules avertis à découvrir qui m’avait échappé.
Nous étions en plein statu quo et il fallait trouver une issue à la crise coûte que coûte ! Je décidais alors de lâcher un peu de lest en faisant preuve de bonne volonté. Je sollicitais hypocritement son avis sur ce que je pouvais faire pour interrompre le compte à rebours déjà enclenché qui me rapprochait inéluctablement de l’échéance fatidique qui allait me propulser dans un monde merdique (« A world of pain » comme disent les amerloques).
Sa réponse fut spontanée, concise et frappée d’un bon sens tout paysan : « Mettre de l’argent sur votre compte en quantité suffisante pour qu’il puisse afficher à nouveau un solde créditeur ! ». Parbleu ! Mais c’est vrai ça ! Je n’y avais pas pensé ! C’était en fait tout bête ! Ravi d’avoir enfin trouvé la solution miracle, je la remerciais chaleureusement avant de dégainer mon chéquier et de lui demander un stylo… « Alors, combien vous dois-je ? » Dis-je… Elle goûta fort peu ma plaisanterie qu’elle trouva aigrelette et déplacée. L’écume aux lèvres, elle me fit remarquer qu’étant donnée ma situation, il valait mieux tenir tout stylo éloigné de mes formules de chèques, car cela s’apparenterait d’ici peu à un délit puni par la loi. A ces mots je cachais immédiatement le futur objet du délit dans ma besace, car j’avais senti qu’elle aurait bien voulut s’en emparer ainsi que de ma carte bleue afin de m’ôter toute velléité dépensière.
Dans un sens elle n’avait pas totalement tort car faisant parti de ces gens qui vivent dans l’excès et le « jusqu’au boutisme », en situation de mort bancaire imminente, je n’aurais plus eu de limites. Ajoutez à cela une nature romanesque et un goût prononcé pour la mise en scène et les effets grandiloquents, dans un dernier sursaut j’étais tout à fait capable de soigner ma sortie de scène par un ultime baroud d’honneur gargantuesque avant le noir final. Mort pour mort… Au moins c’eût été avec la manière car j’ai toujours préféré jeûner avec les aigles que picorer avec les volailles.
Mais soudain la situation dégénéra brusquement. L’atmosphère déjà tendue au possible devint électrique et vénéneuse. Mon interlocutrice, lasse de mes rodomontades et de mon outrecuidance, prit la mouche ! Elle en avait assez ! Ça tombait bien : Moi aussi ! (…)
A suivre…
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Style : Nouvelle | Par GILLES | Voir tous ses textes | Visite : 644
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