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Scylla par Anne Mordred

Scylla

 

Scylla

 

 

A force d'évoquer Scylla, un matin, elle est venue à ma rencontre.

A tordre les bateaux comme des fétus de paille.

Accrochée à l'Etna dont elle semblait vouloir protéger les arcanes inviolables sous les voiles de nuées en furie.

Le grand rire des dieux s'y déroulait,

En vain aux yeux des imbéciles.

Mystères devinés dans la transparence du blanc tissu d'autel. Les yeux de l'âme tremblaient d'horreur mystique.

J'y allais droit tandis que les tranquilles barques qui traquaient le poisson restaient frileusement à l'abri de la baie accomplir le quotidien.

La brume grise commença d'emblée à ordonner ses perspectives japonaises. Rampait la peur verte. L'œil bariolé d'émeraude et de sang caillé affleurait aux rochers où se cachait le poulpe.

Cheveux d'or de La Donna, du haut de votre style, dénudez votre pouvoir!

 *

La hachette fendit le voile de l’ignorance tendu au travers de la nef.

Le gracieux persan de salon des traversées tranquilles et ensoleillées se métamorphosait en guépard. Il attendait tapi sur la branche du cyprès dont les racines vont chatouiller les forges des Enfers et fixait l'horizon. Au loin derrière la montagne, les éclairs montraient le chemin. Les vagues moutonnantes s'enflaient de sa concupiscence.

Pelotonnée sur ma couche, glacée d'effroi, je le sentis descendre du perchoir et se faufiler le long de mon dos. Rassurant le sphinx me téta doucement de sa langue rugueuse. Sa fourrure me couvrit. A peine pesèrent ses pattes de velours. Les griffes caressaient à croupetons. Néanmoins elles ne purent éviter de lacérer les fesses désunies, barrage insupportable à sa convoitise.

Au dehors, l'ogre faisait rage et lançait ses tentacules avides.

Restait à saisir délicatement de ses crocs la nuque tendre et blanche et maintenir l'échine sous sa loi … Le sexe des félins s'horripile qui déchire les chattes. De la cale, monta le hurlement femelle quand l'accouplement roula dans les cordages indifférents au clapotis infernal des voies d'eau.

 *

La nef des fous voguait vers l'île, voiles gonflées, mat dressé contre le vent.

Tout à coup, elle gîta.

Tombèrent des abris les corps trop pesants.

Gésir sur le pont un moment ces peaux de lapin flasques et vides devint leur épitaphe. De la balance du jugement, elles glissèrent vers Charybde tandis qu'un soleil blanc tintait la mer vers l'Orient.

Les flots assouvis se refermèrent sur l'immolation. L'huile sacrée revint à la surface.

Point n'était besoin du couteau sacrificiel. Il resta sur l'autel.

Dans la coupe, le miel célestiel brillait de tous ses feux.

J'enlevai mes chaussures rouges.

© "Attente Affolée" Anne Mordred 2009

 

 

 

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Style : Poème | Par Anne Mordred | Voir tous ses textes | Visite : 516

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