Aussitôt que le monde vire vert-pâle, que les oiseaux muets d’anticipation s’évanouissent sous les corniches, et que le vent module les arbres dans un même souffle directionnel, je me lève et marche, comme appelée par un air inconnu et doucereux à la fois, m’entraînant avec soulagement à la rencontre de ma mort.
Je me dis qu’il y aura du grabuge, peut-être une tuile lourde projetée depuis une hauteur improbable à un moment pile-poil encore plus incertain... un poteau qui vacille et s’éclate juste sur mon crâne... voire des voitures rendues folles et aveugles me fonçant droit dessus aux carrefours que je traverse moi-même sans regard...
Déjà les parisiens courent et s’accélèrent, trottinant dans leurs sandales...j’ai une vague réminiscence des orages adorés et tropicaux des Philippines...les magasins baissent les stores, les denrées rentrent, tout gronde, il n’est que 18h, ça s’affole et je m’excite!
Quelques enfants euphoriques comme à leur première neige, inventent leur danse de la pluie, martèlent les flaques, éclaboussent les parents, se chamaillent à qui mieux-mieux, insouciants et puérils. Je voudrais qu’ils disparaissent de cet instant. Pas de place pour d’enfantines rondes dans l’ « espace-pensée-corps-temps » de la mort... Ça tambourine de plus en plus fort, et comme si elle m’avait devinée, la petite famille s’éclipse dans les ruelles : je persévère, je m’entête, rien n’y fait...une pancarte énorme me rate dans sa chute, mes mains ruissellent, les gentils m’invitent aux abris, je ne veux pas, je veux la guerre pour moi seule...Ce qu’il me faudrait c’est que les gouttes soient remplacées par des armes et des canons, j’ai envie de crier « bombardez-moi »... Tête baissée et rêveuse absolument...
Qu’y puis-je si je pense à la fenêtre laissée ouverte chez moi et que je m’y rue ?
Supportant que des cordes brutes me fracassent le dos, que mon sac soit en eau, que de grasses gouttes gluantes et pleines me ferment les yeux, que les rafales me fouettent, je ne m’arrête pas, espérant encore être « démolie » pendant mon trajet. Douce ironie qui m’arrache un sourire faible. Quelle comparaison existe t-il entre la force qui me fait rentrer et celle qui m’ordonne de mourir?
"Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur est interdite"
Style : Nouvelle | Par yolli | Voir tous ses textes | Visite : 330
Coup de cœur : 9 / Technique : 10
Commentaires :
Nombre de visites : 9158